La Vraie Vie – Adeline Dieudonné

« La Vraie Vie » d’Adeline Dieudonné est un livre que j’ai découvert à l’occasion de la présentation de la Rentrée Littéraire des éditions L’Iconoclaste en Juin dernier. Depuis, le roman a fait du chemin, on le voit partout, dans les médias, sur les réseaux sociaux, sur les affiches de métro, en tête de gondole, il a reçu le Prix Fnac et est sur la liste de plusieurs autres prix littéraires…l’indigestion guette, et l’on pourrait se détourner de ce livre, car l’omni-présence ne suscite pas toujours l’envie…Et pourtant, ce serait bien dommage, car ce succès est à mes yeux tout à fait mérité, et « La Vraie Vie » est un roman que j’ai vraiment beaucoup aimé !

J’ai lu ce premier roman dans le cadre du Salon Fnac Livres, où j’ai eu le plaisir de rencontrer l’auteure, mais c’est également un livre qui a été sélectionné pour le mois d’Octobre dans le cadre du Prix ELLE dont je suis jurée. Le récit se déroule dans une famille dysfonctionnelle : le père est un homme contrôlant et violent, la mère est faible, soumise, effacée. Le seul rayon de soleil dans la vie de la narratrice, qui a dix ans au début du roman, est son petit frère Gilles. Mais un drame qui survient dès le premier chapitre, une scène épouvantable dont est témoin le petit garçon, altère la personnalité de Gilles. Il se renferme sur lui-même, devient froid et violent, au désespoir de sa grande sœur.

Celle-ci cherche à échapper par tous les moyens à ce quotidien : par le fantastique (avec une référence à « Retour vers le futur), par les études – elle est surdouée, notamment dans les matières scientifiques, et s’intéresse tout particulièrement à Marie Curie – , par l’amitié aussi, avec un jeune couple qui habite dans le quartier et pour lequel elle travaille comme babysitter.

« La Vraie Vie » est un roman initiatique porté par une héroïne  attachante qui lutte pour s’en sortir, mais surtout pour pouvoir venir en aide à son frère : leur relation est vraiment belle et on a envie que ce petit garçon qui est sur la mauvaise pente arrive à s’en sortir. On suit cette jeune fille durant cinq ans, de l’âge de dix ans jusqu’à quinze ans, et le récit se concentre en grande partie sur les étés, les périodes où elle n’est pas à l’école mais coincée dans cette banlieue pavillonnaire.

L’auteure est douée pour écrire des scènes très fortes qui se passent d’ailleurs la plupart du temps la nuit ou dans l’obscurité : il y a d’ailleurs dans ce roman une scène centrale qui  se déroule dans la forêt et qui est à couper le souffle – Adeline Dieudonné a dit à la rencontre organisée dans le cadre du Salon Fnac Livres qu’elle avait en tête la chanson de Rammstein « Du Hast » quand elle l’a écrite, une anecdote qui ne pouvait que me parler ! La scène de fin est également très réussie, avec un petit clin d’œil au détour d’une phrase qui est à mes yeux une excellente idée.

J’ai beaucoup aimé l’écriture d’Adeline Dieudonné, mais également l’absence de manichéisme : l’héroïne n’est pas que victime, c’est une jeune fille courageuse qui se prend en main, mais elle a aussi des défauts – je ne peux pas en dire plus sous peine de spoiler!. Quant au père, c’est un homme odieux et violent, mais on sent qu’il y a une faille, qu’il y a quelque chose dans son histoire qui peut peut-être expliquer pourquoi il est devenu ainsi…

Alors oui, on voit « La Vraie Vie » d’Adeline Dieudonné partout et cela peut lasser, mais lisez ce roman qui en vaut vraiment la peine : c’est un roman à la fois sombre et lumineux, plein d’espoir malgré la violence et la solitude qui y règnent, très bien écrit et ficelé, la fin m’a vraiment beaucoup plu. Un très beau premier roman à découvrir ! 

Publié en Août 2018 chez L’Iconoclaste, 265 pages.

15e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2018.

22 commentaires sur “La Vraie Vie – Adeline Dieudonné

  1. Je suis beaucoup plus réservée à l’égard de ce roman. Je suis convaincue que l’auteur a beaucoup de talent: il y a de vraies merveilles d’imagination, de fantaisie et d’inventivité, il y a des scènes très fortes (dont celle à laquelle vous faites allusion), des descriptions très convaincantes. Et en même temps, j’ai comme une impression qu’il y avait tout le temps quelqu’un à côté d’Adeline Dieudonné qui lui donnait de mauvais conseils.
    Et je ne vais pas m’arrêter sur les défauts pardonnables pour un premier roman (le personnage central est très fort, mais voit-on vraiment la différence entre la fillette de 10 ans du début du livre et celle de 14 ans de la fin? Elle ne change pas… La faille qu’on puisse supposer chez le père (vous en parlez) se manifeste par le fait qu’il pleure en écoutant du Claude François, et on en reste là… C’est moins qu’un peu maigre…)
    Non, ce qui me pose un problème, c’est la fin. Pour faire court et ne rien dévoiler: je pense que, faute de continuer sur un autre grand roman, elle aurait dû rester ouverte. Le fait qu’elle a toute les apparences d’une happy end, tous les problèmes étant résolus pour le meilleur des mondes (résolus à quel prix?!!), me gêne vraiment.
    Désolée.

    1. Je suis d’accord avec vous sur le fait que l’héroïne ne change pas assez entre le début et la fin alors qu’elle passe de 10 à 15 ans. Le seul changement semble être l’éveil à la sexualité. Pour la faille chez le père, la dame un peu sorcière l’évoque au détour d’une phrase quand elle dit à l’héroïne que son père a eu une mère particulière…dans la première mouture du livre, l’auteure racontait d’ailleurs l’histoire du père mais cette partie a été coupée quand elle a retravaillé le texte.
      La fin ne m’a en revanche pas du tout gênée – l’héroïne dit que la deuxième partie de sa vie commence, et cette deuxième partie semble beaucoup plus sereine que la première mais on n’en sait finalement pas plus sur ce qu’il va se passer pour elle ensuite…

      1. L’éditeur a certainement ses raisons mais je continue à penser que on aurait dû avoir droit à en savoir un peu plus sur l’histoire du père (et de la sorcière aussi, d’ailleurs, vous m’avez fait y penser!)
        Ce qui me gêne dans la fin, ce n’est pas l’avenir de l’héroïne, là, je suis assez confiante (quoi que j’aie pu en dire, Adeline Dieudonné a créé là un vrai personnage, très vivant et très attachant). Je pense à son petit frère. Il est difficile d’en parler sans dévoiler l’histoire mais pour faire court: on lui fait accomplir quelque chose qui va résoudre beaucoup de problèmes, sauver les vies même mais qu’en sera-t-il de lui-même? Ce n’est pas quelque chose d’anodin. Il sauve des vies au prix que vous connaissez mais au prix de sa propre vie (peut-être!) aussi… C’est pourquoi je dis que là, un autre roman devrait commencer, assez dostoëvskien je pense… Il pourrait même emprunter le titre de « Crime et châtiment ».

  2. La couverture a attiré mon attention car elle ressemble à celle d’un livre que j’ai lu l’année dernière : « Ma reine » de Jean-Baptiste Andréa.
    Vérification faite, les deux sont des éditions Iconoclaste.
    Des couvertures particulières, un peu kitsch, que l’on remarque car elles dénotent.
    « Ma reine » que j’ai découvert dans le cadre du festival du livre de Bron fait partie des meilleurs livres que j’ai lus en 2017.
    Donc « Ma reine » puis maintenant « La vraie vie » que ton article donne fortement envie de lire, les éditions Iconoclastes sont à surveiller de près.

  3. Je suis d’accord: malgré le fait qu’on voit ce roman partout, le succès est tout à fait mérité. Ce serait bête de passer à côté! Malgré mon petit bémol, je suis contente d’avoir rencontré cette famille hors du commun…

    1. je suis effectivement d’accord avec toi sur un point : c’est vrai que l’héroïne semble avoir le même âge pendant tout le roman, alors qu’elle prend 5 ans entre le début et la fin ! mais ça ne m’a pas dérangée, et je n’ai pas boudé mon plaisir.

  4. Je vais le lire bientôt (je le reçois dans le cadre d’un prix) mais je ne suis toujours pas tentée, du coup j’ai lu ton avis en diagonale car en force d’en lire .. je vais y revenir après ma lecture ! J’ignore si je vais pencher de ton côté ou du côté de Marie-Claude..

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