Carnaval – Ray Celestin

Moi qui adore les crânes et les romans qui se passent dans le Sud des Etats-Unis, et notamment en Louisiane – j’ai récemment adoré « Les Maraudeurs » – je ne pouvais pas ne pas lire « Carnaval » de Ray Celestin, un thriller se déroulant à la Nouvelle-Orléans en 1919…

L’histoire de « Carnaval » s’inspire de faits réels, une série de meurtres qui eut  lieu à la Nouvelle-Orléans en 1918 et 1919 – la lettre que le tueur envoie au journal local dans le livre est la reproduction exacte de la lettre reçue par le New Orleans Times – Picayune en 1919. Dans « Carnaval », plusieurs personnes d’origine italienne sont assassinées à coup de hache sans que l’on retrouve leur meurtrier, qui laisse sur leurs cadavres des cartes de tarot vaudou. Dans la Nouvelle-Orléans de l’époque, où se côtoient sans vraiment se mélanger de nombreuses communautés, les Blancs (anglo-saxons), les Cajuns, les Noirs, les Créoles, les Juifs, les Italiens…les rumeurs vont bon train. Puisqu’il y a des cartes de tarot vaudou sur les scènes de crime, le meurtrier est-il un Noir, comme le dit la presse? Puisque les victimes sont d’origine italienne, cette vague d’assassinats est-elle une campagne de règlements de comptes de la mafia?

Plusieurs personnes mènent l’enquête. Michaël Talbot est le policier en charge du dossier – il est sur la sellette sur plusieurs plans : sur le plan personnel, il est secrètement marié avec une femme noire, qu’il présente comme sa domestique, avec qui il a deux enfants, une union interdite par la ségrégation qui règne aux Etats-Unis. Sur le plan professionnel, l’enquête n’avance pas, et il subit la défiance de ses collègues pour avoir dénoncé il y a quelques années les connivences de son chef et mentor, Luca d’Andrea, avec la mafia locale. Et justement, celui-ci vient de sortir de prison : ne pouvant réintégrer la police, et dépourvu de toutes ses économies, il doit recommencer à travailler pour le parrain local qui le charge de trouver le meurtrier, qui nuit aux affaires de la mafia puisqu’on le soupçonne d’être un mafioso. Parallèlement, Ida, une jeune fille noire mais tellement pâle qu’elle peut aisément se faire passer pour une blanche, qui est employée de l’agence de détective Pinkerton mais à un poste administratif, enquête également sur les crimes, avec l’aide de son ami d’enfance, un jeune musicien noir talentueux nommé Lewis – en fait le futur Louis Armstrong !

« Carnaval » est un roman qui se lit tout seul, porté par des personnages attachants et une ambiance aux petits oignons. Quelle meilleure ville pour y faire figurer une enquête sur des meurtres mystérieux que la Nouvelle-Orléans? Une ville où les influences françaises et anglaises se mélangent, une ville multiculturelle, une ville où le vaudou rôde, une ville qui fait office de trublion dans une époque où l’alcool, le jeu et la prostitution sont combattus vigoureusement par les autorités. L’auteur a d’ailleurs choisi des personnages principaux qui eux aussi font office de trublions en 1919 : une jeune fille noire qui parait blanche et qui souhaite devenir détective, un métier certainement pas destiné aux jeunes filles de bonne famille ; un policier blanc qui a choisi de fonder une famille avec une noire ; un ex-policier ripoux en lien avec la mafia et qui vient de passer quasiment une décennie en prison. Le jazz, musique qui à l’époque était vue comme subversive et associée aux mauvais garçons, est également une composante forte du roman, non seulement parce que le Tueur la mentionne dans sa lettre en disant que ceux qui écoutent du jazz seront épargnés mais aussi parce qu’un personnage secondaire, Lewis, ami d’Ida, est musicien. Un des premiers chapitres de « Carnaval » est d’ailleurs une scène très marquante d’un enterrement noir en grandes pompes, rythmé par la musique.

« Carnaval » de Ray Celestin est un livre qui m’a tenue en haleine, mais je n’en ferai pas non plus un coup de cœur. Même si le récit est habilement mené et construit, et qu’il n’y a pas de temps morts, j’ai trouvé que le roman aurait pu être beaucoup plus sombre. Le fait qu’une partie de l’enquête soit réalisée par deux jeunes gens, Ida et Lewis, donne un côté un peu « bibliothèque verte » à l’intrigue, auxquelles s’ajoutent quelques facilités : les personnes attachées défont facilement leurs liens, celles jetées dans l’eau parviennent rapidement à en sortir…Pour autant, c’est un page-turner très agréable et bien ficelé avec un vrai travail pour recréer l’atmosphère de la Nouvelle- Orléans.

Je me suis d’ailleurs renseignée sur cette fameuse affaire de l’Homme à la Hache, et j’ai trouvé ce site qui résume bien l’histoire, c’est plutôt édifiant! On voit que Ray Celestin s’est inspiré du tout début de l’affaire et de la fameuse lettre mais que les meurtres en série étaient très différents dans la réalité, au niveau des victimes et du modus operandi. Derrière une superbe couverture, « Carnaval » de Ray Celestin est un roman de qualité, pas aussi sombre que je l’aurais espéré, mais qui tient ses promesses au niveau suspense et plaisir de lecture.

Publié en Mai 2015 au Cherche-Midi, traduit par Jean Szlamowicz, 496 pages, disponible en poche chez 10/18.

2e participation au Mois Américain 2016 car l’intrigue se passe aux Etats-Unis…puisque l’auteur est anglais!

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20 commentaires sur “Carnaval – Ray Celestin

  1. Contente que tu aies aimé ! je n’avais pas du tout pensé qu’il s’agissait d’un thriller sombre donc je ne l’ai pas pris comme toi – j’adore la Nouvelle-Orléans, une ville où je suis allée trois fois et là je viens de finir un thriller qui se déroule juste après Katrina.

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