Quand c’est Ron Rash en personne qui dit que Jon Sealy est « une nouvelle grande voix de la littérature du Sud », on n’a qu’une envie, ou plutôt deux envies : 1. le croire et 2. lire « Un seul parmi les vivants », premier roman de l’auteur, publié dans l’excellente collection « Terres d’Amérique ».
En 1932 en Californie du Sud, et en pleine Prohibition, deux jeunes hommes sont retrouvés assassinés. Ils étaient mêlés au trafic local de bourbon. Le shérif Furman Chambers mène l’enquête, mais la rumeur dit que c’est Mary Jane Hopewell qui les a tués. Sous ce prénom féminin se cache un marginal, qui lui aussi s’est piqué de faire du trafic de bourbon, concurrençant le magnat local, Larthan Tull. (Le titre original est « The whisky baron »). La guerre du bourbon va entraîner la petite communauté dans une spirale meurtrière…
Même s’il y a un shérif, « Un seul parmi les vivants » n’est pas vraiment une enquête, car on sait très vite qui a tué les deux jeunes. Ce roman est plutôt la peinture d’un microcosme, celui d’une petite ville où quasiment tout le monde, de près ou de loin, est mêlé au trafic de bourbon. Il y a bien sûr les producteurs, qu’ils opèrent à un niveau industriel comme Tull ou artisanal comme Mary Jane, les consommateurs, mais aussi presque tous les paysans du coin, qui vendent leur maïs aux producteurs. Un réseau économique bien huilé, sans parler de la logistique du bourbon, assurée par une petite femme qui ne paie pas de mine, Tante Lou, mais qui gère toute la distribution de cet alcool d’une main de fer. Une économie parallèle qui repose sur les principes du capitalisme alors que le pays est encore plongé dans le marasme de la crise de 29.
Le récit repose sur toute une galerie de personnages aussi originaux qu’attachants, même si le malheur n’est jamais loin. Un malheur qui souvent prend racine des années auparavant, notamment pendant la guerre de 14-18 qui a tué le mari de la veuve Coleman, les deux fils de Furman et Alma Chambers et qui a a grandement perturbé Mary Jane. Il y a dans cette histoire des familles unies, des histoires d’amour, de la solidarité entre frères, mais la tragédie n’est jamais loin, tout comme la violence, souvent gratuite.
« Un seul parmi les vivants » est un roman noir, où l’auteur ne nous noie pas sous les rebondissements, mais distille une tension sourde. On sait que le livre va mal finir, mais qui va mourir? (le qui étant au pluriel, on ne peut pas croire qu’il n’y ait qu’une victime!) Le rythme n’est pas très rapide, mais Jon Sealy prend le temps de poser ses personnages, de poser les situations…de faire aussi en sorte qu’on s’attache aux personnages, tout en redoutant que leur fin ne soit tragique.
Bien écrit, rendant à merveille l’atmosphère de cette petite ville du Sud des Etats-Unis, « Un seul parmi les vivants » m’a tenue en haleine tout au long de l’histoire… J’avais envie d’aimer ce livre et je n’ai pas été déçue, c’est vraiment un excellent premier roman, et je suis ravie d’avoir découvert cet auteur prometteur!
Publié en Mars 2017 chez Albin Michel, traduit par Michel Lederer, 368 pages.
18e lecture de la Rentrée Littéraire de Janvier 2017.
Effectivement, tout pour plaire ce premier roman !!
une bien belle surprise, en effet!
Un nouveau auteur américain? Publié la collection « Terres d’Amérique »? Impossible de passer à côté. Je veux les yeux fermés.
ah clairement, tu peux y aller ! 🙂 Electra est en train de le lire aussi 🙂
Si Ron Rash le dit, je ne peux que suivre !
oui c’est plutôt une valeur sûre!
Je me pense un peu fâchée en ce moment avec les romans américains de ce genre, mais dès qu’ils reviennent en odeur de sainteté, je me souviendrai de celui-là 😉
tu ne devrais pas être déçue !
Typiquement mon genre ça, je sais d’avance que je vais adorer !
en le lisant, j’ai pensé à Marie-Claude, Electra et toi, en me disant que c’était un livre pour vous !
Je découvre à travers cet article ton blog ; ce livre a l’air très intéressant, j’aime beaucoup tout ce qui se déroule durant la Grande Dépression.