J’ai beaucoup aimé les deux romans de Jonathan Safran Foer « Tout est illuminé » et « Extrêmement fort et incroyablement près », et cela faisait…onze ans que j’attendais qu’il en sorte un troisième! Lire son essai « Faut-il manger les animaux? » m’a aidée à patienter, mais je commençais vraiment à trouver le temps long. Quelle n’a donc pas été ma joie en apprenant la parution de « Me Voici »… tout en ayant une petite appréhension. Ce roman allait-il être à la hauteur de mes (très hautes) attentes?

J’avoue que j’ai eu un peu peur au début du roman. Celui-ci s’appuie en effet sur deux axes : le premier raconte le délitement d’une famille. Jacob et Julia Bloch sont convoqués au collège de leur fils aîné, Sam. Celui-ci – qui nie – est accusé d’avoir écrit des injures racistes sur une feuille de papier. Il passe tout son temps libre sur « Second Life » et annonce à ses parents qu’il ne veut pas faire sa bar-mitzva, qui doit avoir lieu dans quelques jours. Quant à Jacob et Julia, ils traversent une crise de couple depuis que Julia a trouvé des messages olé olé destinés à une autre femme sur le téléphone de son mari. Je ne suis pas très fan des livres qui dissèquent la fin d’un couple, entre reproches, nombrilisme et petites mesquineries, et durant quelques pages j’ai cru que « Me Voici » était ce genre de roman. Heureusement, même si c’est une composante du livre, ce n’est pas le cœur de l’histoire.

Le deuxième axe du roman évoque une catastrophe naturelle affectant le Moyen-Orient. Celle-ci provoque une crise géopolitique majeure avec Israël qui appelle la diaspora juive à rejoindre le pays pour le défendre. Le cousin israélien de Jacob, sensiblement du même âge que lui, et son fils adolescent, qui étaient venus tous les deux pour assister à la bar-mitzva de Sam, se retrouvent coincés aux Etats-Unis sans possibilité de rentrer en Israël.

« Me Voici » compte plus de 700 pages et il est curieusement à la fois très dense et accessible. Accessible car il y a beaucoup de dialogues, mais aussi parce que l’auteur écrit avec beaucoup d’humour et enchaîne les scènes tragi-comiques. Mais j’ai également eu l’impression que Jonathan Safran Foer libérait dans ce roman onze ans d’imagination et de sentiments, onze ans d’envie de s’exprimer sur des thèmes qui le touchent. D’où un côté foisonnant et bouillonnant, et il faut parfois faire un effort de  concentration pour arriver à suivre l’auteur et canaliser le nombre important de sujets abordés dans ce livre et le flux d’informations qui nous sautent à la figure. C’est l’heure du bilan pour Jacob sur son couple, sur son accomplissement individuel, sur son rapport à la religion, tandis que l’auteur questionne également la politique d’Israël, et les relations entre les Juifs américains et Israël.

Jonathan Safran Foerm’a embarquée avec lui dans une véritable expérience, j’étais en complète immersion dans « Me Voici ». L’auteur a réussi à me faire aimer ce livre bien que je n’aie pas trouvé les personnages vraiment attachants, que ce soit Jacob et Julia, leurs enfants ou les parents de Jacob, parce que les thèmes qu’il aborde m’intéressent, mais aussi parce que c’est un très grand écrivain avec une plume qui fait mouche par sa pertinence et son humour.

Je ne suis pas sûre que « Me Voici » de Jonathan Safran Foer   plaise à un large public, c’est un livre exigeant, un brin chaotique, avec un certain nombre de références, directes ou indirectes à la religion, ce qui peut ennuyer ou perdre en cours de route les lecteurs. Je pense que c’est typiquement le genre de roman qui soit enthousiasme le lecteur soit peut le rendre perplexe. Un pari risqué, mais réussi à mes yeux!

Publié en Septembre 2017 aux éditions de l’Olivier, traduit par Stéphane Roques , 752 pages.

30e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2017.

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