Après « Neverland », « Mon père sur mes épaules » de Metin Arditi est la deuxième lecture commune avec Héléne dans le cadre de notre participation au Jury du Prix Psychologies du Roman Inspirant 2018. Je n’ai lu qu’un seul roman de Metin Arditi, « Juliette dans son bain », qui ne m’avait pas du tout plu! « Mon père sur mes épaules » est un récit autobiographique où, comme son titre l’indique, l’auteur évoque son père et leur relation.
Le père de Metin Arditi est décédé depuis vingt ans lorsque celui-ci entend parler d’un rite africain appelé le « retournement ». Dix ans après la mort d’un homme, ses proches ouvrent sa tombe, en sortent ses restes et lavent ses os, avant d’organiser une grande fête, à l’issue de laquelle les os propres sont remis dans la tombe. Le mort devient alors un Ancien, à qui l’on peut demander une bénédiction. C’est une démarche similaire qu’entreprend Metin Arditi, mais avec ses souvenirs liés au père.
Metin est né en Turquie dans une famille juive non pratiquante, cosmopolite et polyglotte. L’enfant était fasciné par ce père intelligent, avenant, charismatique, ouvert d’esprit, ayant accédé à un certain niveau de vie grâce à son sens des affaires, et qui lui donnera le goût de la lecture : « les livres, c’est autre chose » dira-t-il à son fils qui s’inquiétait de dépenser trop d’argent en achat de livres…
Pourtant l’auteur souffrira d’avoir été envoyé par ses parents en Suisse en pension durant onze ans et ceci dès l’âge de sept ans. Il découvrir bien plus tard qu’ils avaient eu une fille quelques années avant sa naissance, décédée à l’âge de deux ans. Une enfant, et un décès, que son père n’évoquera jamais devant lui. Et puis il y aura la condescendance, voire la cruauté du père qui met des bâtons dans les roues du fils en l’humiliant devant un partenaire potentiel, l’apparente indifférence lors de moments graves, des contradictions entre le discours et les actes, des oppositions entre le père et le fils sur des questions géopolitiques…et quelques reproches qui me sembleront parfois un peu injustes!
Je ne suis pas très fan des récits d' »enfants » qui analysent leur relation avec leurs parents, et semblent découvrir – souvent à un âge assez avancé – que leurs parents sont des êtres humains faillibles…il n’empêche que j’ai apprécié le récit de Metin Arditi, déjà parce qu’il est très bien écrit – les phrases sont élégantes, et j’ai aimé l’utilisation d’une double voix, quand Metin Arditi repasse sur ses écrits, et les commente en italique. Et puis aussi parce que le père est un personnage vraiment intéressant et original : un père juif qui confie ses enfants à une nourrice catholique et accepte qu’ils aillent à la messe, qui demande à une institutrice protestante de préparer son fils à sa bar-mitsva, qui, peu de temps après la Seconde Guerre Mondiale, dira à son fils que malgré ce qu’il s’est passé, « l’Allemagne est un grand peuple »
Et il y a de jolies phrases apaisées à la fin du livre. « Un fils doit se réjouir de ces lacunes paternelles. Il doit en faire son miel. (…) C’est sur elles qu’il construira sa vie. Jamais je n’aurais développé mes activités au Proche-Orient (…) s’il l’avait fait avant moi. S’il ne m’avait pas fait le cadeau de s’opposer à moi. S’il n’avait pas montré combien toute vraie lutte est solitaire en me laissant tomber devant ses amis à la synagogue. S’il ne m’avait pas aidé à construire la rage nécessaire à poursuivre ce combat. Jamais, aussi, je n’aurais écrit, si je n’avais pas entendu ces mots merveilleux : les livres, c’est autre chose ».
Sur une thématique souvent explorée en littérature, Metin Arditi arrive à tirer son épingle du jeu grâce à la qualité de son écriture, et à la flamboyance du portrait qu’il fait de son père. « Mon père sur mes épaules » est un beau récit nostalgique qui me donne envie de découvrir d’autres oeuvres de l’auteur.
Publié en Mai 2017 chez Grasset, 176 pages.
Une lecture commune avec Hélène.
J’apprécie son écriture, mais il ne me marquera pas durablement !
dès que c’est un récit autobiographique, soit ce texte fait écho soit on ne se sent pas trop concerné …
Là en revanche j’ai très envie de lire ce roman!
alors, bonne lecutre!