Il y a quelques maisons d’édition ou collections auxquelles je suis fidèle au fil des années car je suis rarement déçue par la qualité des livres qu’elles proposent, et « Terres d’Amérique » chez Albin Michel en fait partie. C’est donc avec grand plaisir que je me suis lancée dans « De l’autre côté des montagnes » de Kevin Canty, auteur américain que je n’avais pas encore eu l’occasion de lire.

Ce roman nous transporte en 1972 dans une petite ville du Nord-Ouest des Etats-Unis. La plupart des hommes travaillent dans la mine d’argent. David est une exception, fils et frère de mineur, il a décidé de quitter Silverton pour poursuivre ses études. Une rareté dans un milieu où à vingt ans, on travaille, on a une maison, on est marié et on a déjà des enfants, comme son propre frère Ray, qui a des jumelles d’un an avec sa femme Jordan. Dans cette petite ville, tout le monde connait tout le monde, et les distractions et les perspectives sont rares : on passe beaucoup de temps dans les bars, on boit énormément, on se castagne souvent. Personne n’est pauvre – le travail de mineur paie bien – mais partir de Silverton, faire sa vie ailleurs n’est pas le genre d’option à laquelle on réfléchit vraiment, même si l’air est vicié, que tout le monde a des problèmes de peau et que les leucémies sont monnaie courante.

« De l’autre côté des montagnes » est un roman choral qui s’attache notamment à trois personnages : David, donc, qui revient chez ses parents le temps des vacances scolaires, mais aussi Ann, une jeune femme sensiblement du même âge, mariée à Malloy, un mineur, et qui souffre de ne pas encore avoir d’enfant. Et aussi Lyle, mineur d’un certain âge, qui possède désormais un solide pécule à la banque et pourrait s’arrêter de travailler, mais qui est pris dans la routine mine-bar-prostituées. Un événement tragique et meurtrier – un incendie dans la mine – va bouleverser la ville et la vie de ces trois personnages.

J’ai vraiment beaucoup aimé ce roman, inspiré d’un fait réel, qui m’a rappelé deux autres livres, « De beaux lendemains » de Russell Banks qui évoquait également l’incidence d’un accident meurtrier sur une petite ville – un très grave accident de bus scolaire assez similaire à ce qui est arrivé à Millas – mais aussi le dernier roman de Sorj Chalandon, « Le jour d’avant », pour cette scène où les familles des mineurs attendent la sortie des rescapés ou l’annonce d’une mauvaise nouvelle. A travers David, Lyle ou Ann, on découvre d’autres personnages secondaires : Penny, la soeur sourde d’Ann, Jordan la belle-soeur de David,  Trudy, l’ex-femme de Lyle qui un jour n’a plus supporté cette vie de couple noyée dans l’alcool, ou encore les parents de David.

J’ai apprécié l’écriture, très cinématographique, mais aussi la construction de ces trois personnages principaux, attachants, qui doivent jongler entre leurs aspirations propres et leurs vies bouleversées par la tragédie. « De l’autre côté des montagnes » est vraiment un très beau livre, il m’a cependant manqué une vraie fin. L’histoire se termine assez brutalement, sur une fin relativement ouverte, et j’aurais aimé cinq ou dix pages supplémentaires pour donner un peu plus de densité aux destins d’Ann et de David.

« De l’autre côté des montagnes » de Kevin Canty est une belle découverte, et un très beau moment de lecture, merci à Léa Touchbook et aux éditions Albin Michel!

Publié en Février 2018 chez Albin Michel, traduit par Anne Damour, 272 pages.

18e lecture de la Rentrée Littéraire de Janvier 2018.

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