Comme vous le savez, je lis peu de classiques, et si j’en lis, c’est souvent dans le cadre de Bibliomaniacs…et c’est bien le cas avec « Adolphe » de Benjamin Constant, un livre que j’avais quand même prévu de lire à cause de son titre, car j’ai plusieurs fois entendu « quel dommage que ce prénom soit désormais aussi connoté alors que c’était aussi le titre de ce beau livre de Benjamin Constant! »
Pour les réticents des classiques, bonne nouvelle, « Adolphe » est un roman court, de moins de , qui se lit très vite ! On est loin du pensum. J’ai eu peur au début car il y a tout un prologue qui fait très daté – et qui n’apporte à mes yeux rien à cette histoire – mais le roman est en fait curieusement moderne (sauf peut-être la fin, qui rappelle que le livre a été publié en 1816).
Adolphe est un jeune homme qui entretient une relation compliquée avec son père. Par jeu, séduit une très belle femme d’une dizaine d’années plus âgée que lui, Ellénore. Celle-ci est dans une situation assez particulière pour l’époque puisqu’elle vit en concubinage avec un homme à la position sociale élevée, avec qui elle a deux enfants. Son compagnon rompt avec elle à cause de sa relation avec Adolphe, et Ellénore perd tout : son couple, ses enfants, sa protection, son statut social… Adolphe se rend bientôt compte qu’il n’est pas vraiment amoureux d’Ellénore et que leur relation a tourné court. Mais il est incapable de rompre…
Au début du roman, j’ai eu beaucoup de mal à m’attacher à Adolphe, que je trouvais très tête-à-claques, très égocentrique, et ne réfléchissant pas aux conséquences de ses actes. Et puis, au fur et à mesure que je lisais ce roman, j’ai fini par m’intéresser à ce personnage qui acquiert une vraie densité, grâce à l’habileté de la plume de Benjamin Constant. « Adolphe » est en effet une analyse psychologique très fine du caractère du personnage éponyme.
Adolphe est incapable d’agir. Il a bien compris qu’il n’était pas amoureux d’Ellénore, que celle-ci ne lui convenait pas, tant sur le plan sentimental que sur le plan social (sa vie professionnelle stagne d’ailleurs complètement depuis qu’il est en couple avec elle, alors qu’il était promis à un brillant avenir), mais il n’arrive pas à arrêter cette relation : il se sent coupable des sacrifices qu’elle a faits pour lui, il ne veut pas lui faire de peine, il n’arrive pas non plus à gérer la pression psychologique – car Ellénore a bien compris qu’il ne l’aimait plus et désirait rompre. Le jeune homme est velléitaire, et passe son temps à tergiverser, à faire un pas en avant et deux en arrière, à chercher à plaire à tout le monde au lieu d’agir. Car Adolphe pourrait, au lieu de rompre, choisir une autre voie et s’engager pleinement avec Ellénore, en légitiment notamment leur relation. Mais de cela aussi il est incapable, et il navigue donc perpétuellement entre deux eaux, dans une situation qui rend finalement tout le monde malheureux. Adolphe est un homme qui ne parle pas franc, et qui n’agit pas ferme (et qui ne voit pas très loin non plus)
J’ai beaucoup apprécié cette lecture qui ne peut que faire écho à des situations que nous avons tous déjà vécues. « Adolphe » raconte finalement une histoire universelle et intemporelle : il suffirait finalement de changer quelques détails, d’adapter quelques scènes et ce récit pourrait se passer sans aucun problème en 2019! L’auteur a donc réalisé une étude de caractères particulièrement réussie, qui n’a pas vieilli, et qui peut sans doute être lue plusieurs fois, à des moments différents de notre vie sans pour autant que l’on éprouve une lassitude, car notre lecture s’enrichira certainement de notre vécu, nous ne nous arrêterons sans doute pas sur les mêmes situations, sur les mêmes phrases…d’ailleurs, si l’on peut parfois être agacé par Adolphe, le portrait n’est pas à charge, et Ellénore n’est pas en reste non plus : si elle peut apparaître comme la victime, elle s’accroche également à un homme dont elle voit bien qu’il n’est pas amoureux d’elle…
« Adolphe » de Benjamin Constant n’est pas le classique le plus connu , mais c’est vraiment un livre accessible, fin et pertinent, qui gagne à être lu!
Publié en 1816, disponible au Livre de Poche, 219 pages.
Retrouvez ce livre à l’affiche du Bibliomaniacs de Juillet 2019 ici.
J’ai appris l’existence de ce livre dans le film (issu de la pièce de théâtre) Le Prénom. Si tu ne l’as pas vu je te le recommande, de vraies tranches de rire !
j’ai adoré le film !! 🙂