Après « Secret de Polichinelle » de Yonatan Sagiv, voici un autre livre publié par les éditions de l’Antilope:« Mikado d’Enfance » de Gilles Rozier.
Le narrateur, Gilles, spécialiste de l’hébreu et du yiddish, reçoit un mail d’une de ses connaissances, qui le renvoie brusquement à un souvenir soigneusement enfoui : en 1975, à l’âge de douze ans, il avait été renvoyé du collège, en compagnie de trois camarades, pour une sombre affaire dans laquelle un professeur d’anglais avait reçu une lettre qualifiée d’antisémite.
L’auteur nous ramène dans les années 70, et l’on peut mesurer la différence avec notre époque : on ne parlait quasiment que de la déportation des résistants et très peu de celle des Juifs et Auschwitz était un camp méconnu; la religion était une affaire personnelle et la laïcité de mise ; on ne cataloguait pas les gens en fonction de leur appartenance ethnique et religieuse …
Il se souvient de son adolescence solitaire de garçon « filliste », dans une famille bourgeoise (son père était le directeur de l’usine locale), son désir d’être intégré à la bande des garçons cool dont faisait partie le beau Vincent pour qui il éprouvait une attirance trouble, « l’événement » qui va le marquer à jamais, avec un mélange de honte et de sentiment d’injustice…mais aussi de l’histoire familiale du côté maternel : sa grand-mère morte de pleurésie après avoir attendu toute une journée dans le froid devant Beaune-la-Rolande pour apercevoir son mari, et son grand-père à Auschwitz, où il avait été déporté de Beaune. Les pages qui concernent sa mère Annette sont d’ailleurs extrêmement touchantes et intéressantes, tout comme les problématiques de vocabulaire liées à la mort de ses parents.
« Mikado d’Enfance » est un livre court, mais extrêmement riche, qui aborde de nombreux thèmes avec beaucoup de justesse: récit d’apprentissage, questionnement sur l’identité sexuelle et religieuse, injustice, culpabilité, parcours de vie…j’ai lu cet ouvrage avec un vif intérêt, la plume de Gilles Rozier est pertinente , ses analyses sont vives et intelligentes, avec parfois une pointe d’ironie assez jouissive. Vraiment, cela faisait longtemps qu’un livre ne m’avait pas autant captivée, j’en ai d’ailleurs souligné de nombreux passages…
Un coup de cœur!
Publié en Août 2019 aux Editions de l’Antilope, 192 pages.
9e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2019.
Justement,il me tentait celui-là. Mais c’est le premier billet que je lis à son sujet.
la maison d’édition n’est pas encore très connue, mais ses parutions sont vraiment de qualité !
oh un coup de coeur ! et toujours sur cette question qui te passionne et moi aussi (as-tu écouté le podcast sur la bibli de Karine Tuil ?)
du coup je le note, il arrivera probablement à la BM …
j’ai lu un seul livre de Karine Tuil et cela a été un gros gros énervement, mais si tu me conseilles ce podcast, je l’écouterai…
Ta chronique m’a persuadée que ce livre est à ajouter à la liste de mes envies …
ah oui il te plairait !