Dans « La Dislocation » de Louise Browaeys, la narratrice, une femme d’une trentaine d’années sort de l’hôpital : elle est amnésique, ignore jusqu’à son prénom, même si elle a des souvenirs épars qui lui reviennent comme des flashs, et ressent parfois une certaine familiarité avec des noms, des photos, des situations. Les seules personnes qu’elle fréquente sont Camille, dit K, un ami, qui lui, connait son passé mais ne peut rien lui dire car il lui faut pour guérir se souvenir des choses elle-même, et Léonora, qui a été son infirmière. Elle a des comportements étranges, aime casser des choses, crever les pneus des voitures, fréquenter les magasins de bricolage.
La narratrice décide d’entreprendre des expériences pour se retrouver et fait notamment la connaissance d’un couple de libertins avec qui elle devient amie. Mais c’est une histoire d’amour avec un jeune Algérien, Wajdi, qui lui donne l’énergie de prendre la route et de gagner la Bretagne, où elle va s’installer à Saint-Brieuc, en menant une vie proche de la marginalité…
« La Dislocation » est un livre étrange, que j’ai lu avec un intérêt certain mais aussi avec perplexité. Je pense d’ailleurs qu’il mériterait une deuxième lecture, car c’est un récit vraiment déroutant. L’amnésie de la jeune femme a bien sûr piqué ma curiosité, il y a une sorte de suspense qui règne dans le récit puisqu’on se demande qui elle est, ce qui a causé son état, si elle retrouvera un jour la mémoire. C’est une histoire qui parle des grands combats de notre époque, l’autrice évoque le féminisme, l’écologie, la maternité, et cet état de dislocation qui touche les femmes qui n’en peuvent plus de ne pas être écoutées, de lutter en vain.
Le roman est bien écrit, ce portrait de femme sur le fil du rasoir est plutôt réussi, mais j’avoue être restée à distance de ce récit, à avoir eu du mal à entrer dans l’histoire, et parfois même à comprendre où l’autrice voulait en venir. Peut-être parce que le parcours de la jeune femme est très erratique et qu’elle est si décalée, si opaque également, qu’il est difficile de s’y attacher. Peut-être aussi parce qu’il y a une révélation dans le récit que j’avais vu arriver à des kilomètres, et que j’ai trouvé que certaines scènes étaient incohérentes (une femme quasi mutique, repliée sur elle-même, amnésique va-t-elle vraiment s’inscrire sur un site libertin et se rendre chez des gens qu’elle ne connait pas pour avoir des relations sexuelles?). Peut-être également parce que le livre se concentre sur la fille alors que c’était l’histoire de ses parents, évoquée en filigrane, qui m’intéressait.
« La Dislocation » est un roman qui sort de l’ordinaire, mais j’ai eu du mal à adhérer à ce que proposait l’autrice – je pense qu’elle souhaitait bousculer son lecteur, générer chez lui des questionnements, une réflexion, néanmoins j’ai trouvé ce livre trop flou dans ses intentions pour me sentir pleinement impliquée dans ma lecture.
Publié en Août 2020 aux éditions HarperCollins France, 320 pages.
9e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2020.