« L’œil le plus bleu » est le premier roman de Toni Morrison, mais également le premier que je lis de cette autrice que je souhaitais découvrir depuis longtemps.
L’histoire se déroule dans une petite ville des Etats-Unis, durant les années 40. On y fait la connaissance d’une enfant afro-américaine de onze ans, Pecola Breedlove. Dès les premières pages, on sait qu’un drame lui est arrivé et son histoire est le fil conducteur du roman : le début est narré par une enfant du même âge, Claudia, puis l’on nous raconte le passé de la mère de Pecola, celui de son père, mais également la relation entre Pecola et un prêtre à qui cette petite fille rejetée par les autres en raison de sa pauvreté, de sa laideur, et de sa famille dysfonctionnelle demande d’exaucer son vœu le plus cher, celui d’avoir les yeux bleus (d’où le titre du roman).
J’ai vraiment beaucoup aimé le début du livre, j’ai trouvé que Claudia – petite fille qui n’a pas la langue dans sa poche – était une narratrice très marquante, il y a quelque chose dans son langage, dans sa manière détachée de raconter les atrocités qui sont arrivées à Pecola, qui m’a accrochée et bousculée.
Mais après ce début en fanfare, les choses se sont gâtées : si Pecola est le personnage principal car on parle essentiellement d’elle et de sa famille, elle est finalement très peu incarnée dans ce livre – peut-être parce que c’est une pauvre gosse, mal considérée, maltraitée, mal aimée, à qui il arrive tous les drames de la terre, et qu’elle ne peut finalement être racontée seulement par les autres ou via son histoire familiale? Cependant, ces changements réguliers de prismes m’ont gênée, j’ai trouvé la construction du livre trop décousue, et cela m’a fait décrocher. Toni Morrison a intégré à ce livre de nombreux thèmes très forts, mais un peu trop à mon goût (peut-être parce que c’est un premier roman, et qu’elle a voulu y mettre plusieurs histoires qu’elle portait en elle?), j’ai trouvé que beaucoup de choses étaient dites, mais sans approfondissement – l’histoire des yeux bleus est par exemple une idée géniale mais qui m’a semblé trop effleurée.
J’ai eu l’impression de rester trop à distance de ce roman qui pourtant ne manque pas de qualités – Toni Morrison écrit vraiment très bien, et l’histoire de cette petite fille noire, rejetée par sa propre communauté car elle ne répond pas aux standards de beauté créés par les blancs, négligée par sa mère (aux petits soins pour la petite fille blanche de la famille pour laquelle elle travaille), et violée par son père, et qui n’obtient qu’une vague pitié teintée de fatalisme de la part des voisins, est forte et terrible. Mais même si des scènes marquantes me restent en mémoire, j’avais, à ma grande surprise, déjà du mal à me souvenir de l’histoire une semaine plus tard… Une impression mitigée donc, combinée à la « déception d’être déçue ».
En poche chez 10/18, traduit par Jean Guiloineau, 224 pages.
Un roman à retrouver à l’affiche du 131e épisode du podcast littéraire Bibliomaniacs ici.
Comme toi, malgré un début fascinant, j’avais un peu décroché en cours de route. J’ai beaucoup aimé écouter vos avis dans les BIbliomaniacs !
j’en tenterai un autre de Toni Morrison!
Merci de nous avoir écoutées 🙂