Dans ce nouveau roman de Joachim Schnerf, « Le Cabaret des Mémoires », Samuel, le narrateur, vient d’avoir un bébé avec sa compagne Léna. Durant cette nuit où tout change autour de lui, il se demande comment il va parler à son enfant de l’histoire lourde de sa famille.
En effet, ses arrière-grands-parents ont été assassinés durant la Shoah. Et, si son grand-père a été un enfant caché, la sœur de celui-ci, Rosa, a été déportée à Auschwitz, alors qu’elle n’avait que 13 ans. À la libération, elle a voulu tourner le dos à l’Europe meurtrière et à ses souvenirs douloureux et est partie aux États-Unis. Elle y a créé un cabaret où, tous les soirs, elle raconte des anecdotes de son enfance, de son histoire familiale, en taisant cependant ce qu’elle se contente de lister.
Samuel n’a vu sa grand-tante qu’une seule fois, à l’enterrement de son grand-père. Mais depuis l’enfance, comme ses cousins avec qui il jouait, dans les Vosges, à partir à la recherche de Shtetl City, l’endroit qu’elle a créé au Texas, il est fasciné par cette femme qui est non seulement la dernière survivante des camps, mais aussi la seule qui le relie encore à l’extermination de sa famille. Qu’adviendra-t-il quand elle ne sera plus là ?
Les interrogations de Samuel alternent avec les réflexions de Rosa, sa douleur et sa culpabilité de survivante, et avec les souvenirs des aventures de Samuel et ses cousins.
Le livre est particulier, avec ces passages métaphoriques et fantasmagoriques qui peuvent être déstabilisants- il m’a d’ailleurs fallu une deuxième lecture pour pleinement apprécier ce récit émouvant qui questionne la mémoire et la transmission de l’indicible, entre silence des survivants et envie de la nouvelle génération de partager avec son enfant l’histoire familiale, même douloureuse. Un livre court, mais très beau.
Publié en Août 2022 chez Grasset, 140 pages.