J’aime beaucoup Emmanuel Carrère, et « D’autres vies que la mienne » fait partie de mes livres favoris mais je tournais autour de V13 sans parvenir à le commencer.
Car V13 est le nom de code du procès des attentats terroristes du vendredi 13 novembre 2015 : pas évident de se confronter à un drame dont les victimes nous ressemblent, et c’est Coralie ma comparse de Bibliomaniacs qui m’a donné envie d’ouvrir enfin l’ouvrage.
Emmanuel Carrère a assisté à l’intégralité du procès, qu’il a couvert via des chroniques hebdomadaires dans L’Obs.
Le livre met l’accent sur l’ampleur du procès : 131 morts, 2400 parties civiles, des centaines de témoignages à la barre, une armada d’avocats, 14 accusés, d’un genre particulier puisque les tueurs sont tous morts – eux ont participé de près ou de loin, à l’organisation, à la logistique des attentats.
Emmanuel Carrère met sa curiosité, son empathie, son sens du détail, son talent de conteur au service de cette grande comédie humaine et il n’y a pas dans ce livre cet aspect morcelé qu’on pourrait attendre d’un recueil de chroniques – le récit, très fluide, est divisé en trois parties :les parties civiles, les accusés et la cour.
Je ne sais pas qui mieux que lui aurait pu brosser des portraits aussi vivants, plein d’émotions, décrire des scènes terribles avec autant de lumière, raconter cette petite anecdote qui fait toute la différence, et nous emmener avec lui dans la complexité du procès, auprès d’un parent de victime, d’un rescapé, d’un avocat ou d’un accusé.
Il y a quelque chose de très humain, mais aussi de profondément cathartique dans cet ouvrage. Du très grand Emmanuel Carrère.
Publié en Août 2022 chez POL, 368 pages.