J’ai découvert Martin Dumont via son précédent livre « Tant qu’il reste des îles ». « Tempo » nous entraîne à Belleville en 1988. Félix y vit avec Anna, sa compagne, et leur fils Elie, un nourrisson. Le jeune homme travaille comme serveur dans le bar de Kacem, en bas de chez lui, et essaie le soir, en jouant dans les bars, de retrouver la flamme et le succès qu’il a connu quelques années plus tôt avec son groupe de rock. Félix, Rémi, Alex et Louis ont en effet, très jeunes, sorti un album qui a très bien marché et entamé une tournée triomphale…mais tout s’est arrêté brutalement.
L’histoire alterne entre 1988 et les souvenirs, quelques années auparavant, de la formation du groupe, et de leurs premiers succès. J’ai beaucoup aimé ce livre empreint de tendresse et de nostalgie. Félix est un très beau personnage, qui se trouve à la croisée des chemins. Difficile de se remettre d’un succès météorite, arrivé vite et (trop?) tôt. Sa carrière n’est pas allée crescendo, elle a débuté en fanfare et est retombée aussi vite, et le jeune homme n’arrive pas à faire le deuil, à passer à autre chose. Il a toujours en tête de renouer avec le succès, via une carrière solo. Mais même si son manager Marc semble enthousiaste, les temps ont changé, le public des bars n’est pas tendre, les labels ne répondent pas…et Anna, qui pourtant le soutient, commence à en avoir assez d’accumuler les heures de travail pour payer les factures.
J’ai trouvé ce livre très juste et maîtrisé, avec une galerie de personnages particulièrement réussis, notamment Marc, manager dont on ne sait jamais trop quoi penser, Kacem, qui malgré son métier de propriétaire de bar, semble être un symbole de fiabilité et de stabilité dans la vie de Félix, et Anna, amoureuse mais les pieds sur terre. L’auteur étant né en 1988, comme le petit Elie, je me suis demandé s’il parlait de son père à travers Félix. Félix, qui veut envers et contre tout réussir, jusqu’à passer pour un rêveur, ou pire, un égoïste qui privilégie sa trajectoire personnelle à ses responsabilités de compagnon et de père.
Même si le livre évoque la musique, le thème est finalement assez universel, tout comme la période (il n’y a rien de très « marqué » années 80 dans le récit), et le récit initiatique peut finalement s’adapter à tout âge : doit-on persister, et qu’importe ce que cela coûtera, abandonner… ou essayer de trouver une troisième voie?
Une jolie surprise !
Publié en Janvier 2024 aux Avrils, 240 pages.