Dans « A pied d’œuvre », Franck Courtès raconte comment il a mis fin, il y a une dizaine d’années, à sa carrière de photographe et ses revenus confortables, pour se consacrer à l’écriture. Mais s’il rencontre un certain succès qui le conforte dans son choix – il est publié chez Gallimard, reçoit des prix , passe à la télé – la littérature ne nourrit pas son homme et l’auteur connaît les petits boulots et la précarité.
J’ai trouvé ce livre très bien écrit, très vivant . Franck Courtès a trouvé la bonne distance pour parler de lui, mais également pour décrire avec beaucoup de finesse et de vivacité les situations et les personnages auxquels il est confronté.
Il y a deux facettes dans le récit, avec tout d’abord un modèle économique défavorable dans lequel il s’inscrit – que ce soit dans le secteur littéraire, où la répartition du prix du livre est problématique pour les auteurs, qui ne touchent qu’environ 2 euros sur le prix d’un broché, ou sur la fameuse appli où il propose ses services pour des travaux souvent très physiques et fatigants, où le moins-disant remporte l’affaire, à un prix ridiculement et dangereusement bas.
Et puis il y a aussi sa trajectoire personnelle, radicale et qui peut parfois paraître incompréhensible. Contrairement à la plupart des personnes sur l’appli, l’auteur a le choix – il a des papiers, est instruit, semble venir d’un milieu aisé, a une famille, un entourage, il aurait sans doute pu trouver un mi-temps dans un bureau, ou toucher une allocation plutôt que de s’abîmer dans des travaux physiques payés des clopinettes à quasiment 60 ans.
On comprend tout de même qu’il y a des garde-fous puisque sa mère le loge dans un studio et que son ex semble prendre en charge leurs enfants, au canada, mais je me suis demandé s’il voulait expier quelque chose tant l’écriture semble être un sacerdoce et son corps, martyrisé… ou s’il n’y avait pas une envie, peut-être inconsciente, de se mettre dans une situation décalée, inconfortable, pour nourrir son art.
C’est un livre qui nous a beaucoup intéressés et questionnés dans l’épisode de Bibliomaniacs enregistré avec Paul Saint Bris dans lequel nous avons mis cet ouvrage à l’affiche, à retrouver ici.
Publié en Août 2023 chez Gallimard, 192 pages.