Joy Sorman est une autrice que j’aime beaucoup et dont j’ai lu quasiment tous les livres. J’étais donc curieuse de découvrir son nouveau roman, « Le Témoin ».
Bart, un homme d’une cinquante d’années, aux motivations mystérieuses, s’enferme volontairement dans un palais de justice : il passe ses journées dans les salles d’audience, et ses nuits dans un faux-plafond où il a dissimulé quelques possessions. A travers ses yeux, on découvre les rouages de la justice française …
J’avoue avoir été assez décontenancée par ce que propose Joy Sorman. Bart assiste à plusieurs types de procédures et d’affaires – comparutions immédiates, infractions liées au terrorisme, pénal général …la narration est assez froide, et Bart est plutôt un témoin à charge, semblant estimer en permanence que la justice rendue est…injuste, qu’elle est expéditive, déséquilibrée, motivée par une certaine forme de racisme, de mépris de classe, qu’elle n’est pas réparatrice pour les victimes…avec un manque de nuances qui peut lasser au fil des pages.
Quand on a lu par exemple, comme moi, « V13 » d’Emmanuel Carrère, une vraie réussite sur un sujet casse-gueule, on ne peut malheureusement pas s’empêcher de faire des comparaisons, et « Le Témoin » a du mal à tirer son épingle du jeu, a fortiori parce que la position clandestine de Bart aurait pu permettre de décrire les coulisses du palais de justice, tout ce que le visiteur ou le protagoniste lambda ne peut pas voir, mais cette facette n’est que peu exploitée dans le livre.
Et pourtant il y a parfois quelques moments de grâce dans ce livre, comme cette séquence consacrée au procès d’un père incestueux, qui montre tout le talent d’écriture de Joy Sorman et ce qu’aurait pu être ce livre.
Même si j’ai vu les références à Kafka, et au Bartleby d’Hermann Melville, j’ai eu du mal à comprendre où voulait en venir Joy Sorman, que ce soit sur la justice française ou sur le personnage de Bart, et je pense être passée à côté de ce livre.
Publié en Janvier 2024 chez Flammarion, 288 pages.