J’ai découvert la famille maternelle d’Anne Berest avec « Gabriële », le livre qu’elle a écrit à quatre mains avec sa sœur Claire sur son arrière-grand-mère, épouse de Francis Picabia. Au détour d’une phrase, on y apprend qu’elle a aidé sa belle-fille Myriam, qui était juive, à se cacher pendant la Seconde Guerre Mondiale et à échapper à la déportation.
Et c’est justement Myriam qu’évoque aujourd’hui Anne Berest dans « La Carte Postale ». Dès les premières pages, on sait que ses parents, son frère, et sa sœur sont morts à Auschwitz en 1942. Une information qui nous arrive de manière bien étrange, puisque leurs quatre noms (Ephraïm, Emma, Noémie, Jacques) sont listés sur une carte postale anonyme que reçoit un jour Lélia, la fille de Myriam (et mère d’Anne).
La première partie du livre reconstitue la vie de la famille Rabinovitch, originaire de Moscou, qui arrive à Paris en 1929, après moult rebondissements…la famille dont le vœu le plus cher est d’être naturalisée française, dont les trois enfants sont parfaitement intégrés et de brillants élèves, sera une dizaine d’années plus tard broyée par le Nazisme et l’Antisémitisme. Myriam ne doit sa survie qu’à une succession de hasards : quand les Allemands et les gendarmes viennent arrêter son petit frère et sa petite sœur, dans le village de l’Eure où vit désormais la famille, elle vient de se marier, est domiciliée à Paris et n’est donc pas sur leur liste, qui ne couvre que la Normandie. Son mari, Vicente Picabia, est un jeune homme assez instable, mais sa mère et sa sœur sont des femmes au caractère bien trempé, engagées dans la Résistance, qui vont organiser la fuite et la cache de Myriam.
A peine âgée de vingt ans, la jeune fille sera le seul membre survivant, unique gardienne de la mémoire de ses parents, de son frère, de sa sœur, des anecdotes et des origines familiales…à part elle, qui se souviendra du talent d’écrivain de sa petite sœur Noémie, dont la ressemblance physique avec Claire Berest est d’ailleurs troublante? Elle est également l’unique dépositaire du judaïsme d’une famille non pratiquante – Anne Berest est juive de facto, par matrilinéarité, mais que veut dire être juif quand on ne connait pas cette religion, quand il n’y a pas qu’Auschwitz dans la transmission, quand, avec ce patronyme français, personne ne sait que vous êtes juif, sauf vous et encore?
Et puis, il y a ce suspense, fil conducteur du récit: qui a bien pu envoyer cette carte postale? Anne Berest mène l’enquête, entraînant sa mère Lelia dans l’aventure : détective, graphologue, retour au village, secrets familiaux… la mère et la fille font revivre un passé douloureux qui a été soigneusement enfoui, mais qui ressurgit parfois à travers des coïncidences, des prénoms, des ressemblances…
« La Carte Postale » est un livre passionnant, émouvant, qui m’a tenue en haleine jusqu’à la dernière page, avec cette impression qu’Anne Berest est très exactement là où elle doit être lorsqu’elle écrit ce livre. Un beau coup de coeur !
ça a l’air vraiment d’un très beau roman !
oh oui, magnifique!
Comment ne pas te suivre quand tu annonces un COUP DE COEUR ? D’autant plus que j’avais aimé GABRIELE…
j’ai trouvé celui-ci encore meilleur
A noter une critique assassine de Camille Laurens dans Le Monde des livres du vendredi 17/09 qui reproche à Anne Berest un récit froid, sans intérêt quasiment! Ce qui jure avec beaucoup d’avis de lecteurs…
oui j’ai vu ça ! j’ai trouvé sa chronique vraiment gratuite et méchante…(« enceinte donc désoeuvrée », « Shoah pour les nuls »…, sérieusement?)
Entièrement d’accord avec ton billet. J’ai juste trouvé certains passages trop romancés. Mais c est peu au regard de l’ensemble qui est prenant. Je ne peux pas lire la critique du Monde, je ne suis pas abonnée. Aujourd’hui France Inter parle d’un conflit d’intérêt au sein du jury.
oui, conflit d’intérêt car Camille Laurens est la compagne de François Noudelmann qui est dans la sélection avec un livre dont certains thèmes rejoignent celui d’Anne Berest…
Oui, ce livre est magnifique. La chronique de Camillle Laurens m’a écœurée. Peut-être pas si gratuite que ça. Jalouse ? En tout cas je vais offrir La Carte Postale à tous mes amis (et j’espère qu’elle aura le prix Goncourt). Mais j’ai aussi un faible pour Feu de Maria Pourchet…
je découvre aujourd’hui via France Inter que dans la sélection Goncourt (prix dont elle est jurée), il y a le livre de son compagnon François Noudelmann (bonjour le conflit d’intérêt) dont les thèmes rejoignent celui d’Anne Berest !
J’ai entendu parler de ce livre suite au conflit au prix Goncourt – je suis extrêmement déçue par Camille Laurens, juger que ce livre est mauvais, l’écriture mauvaise.. J’ai déjà lu deux fois Anne Berest et elle écrit très bien. Ta chronique me donne évidemment très envie de le lire, il fait écho à Simone Veil lorsqu’elle parlait de son frère et sa sœur disparus trop tôt. Quelle drôle de vie. Je vais m’inscrire sur la liste, je vais attendre longtemps mais il vaut l’attente !
L’article de Camille Laurens était pitoyable, et je suis contente que tu aies prévu de lire ce livre, je suis sûre qu’il te plaira !
Ah oui, quel livre ! J’ai du mal à le lâcher et même s’il est 2 H du matin et que je viens de terminer un chapitre, comme une enfant je me dis : » Je jette juste un « petit » coup d’œil à la 1ère page du chapitre suivant ! » et bien sûr je continue encore une heure ! 🙂
Cette enquête familiale est intéressante sur un plan historique, et passionnante à suivre. Tu en as fait un bel éloge, je ne peux que t’en féliciter !
ravie qu’il t’ait plu ! Ombres Portées te plairait également !
Bon livre en effet. Mais je n’ai pas aimé l’évocation de l’ancienne fiancée souvent dans le livre qui n’apporte absolument rien à l’histoire si ce n’est la dernière entrevue pour partir en Amérique.
Donc petit bémol pour mettre excellent livre.
Et ce n’est pas un roman.
Très très intéressant sur ce temps là et les réactions ‘neutres’ des Français Français face aux mesures anti juives.
A lire et à promouvoir chez les jeunes pour apprendre.
oui, un livre qui mérite d’être lu par les jeunes générations !