Je n’avais jamais entendu parler des « Tourments » de Rodrigo Hasbùn, mais je suis tombée à la médiathèque sur ce livre court et publié chez Buchet-Chastel, l’éditeur de mon cher Chaïm Potok et de « Dites aux loups que je suis chez moi », deux bonnes raisons de l’emprunter! Je me suis donc retrouvée par hasard avec un livre bolivien, qui m’a finalement beaucoup plu.
L’histoire commence en 1956 : la famille Ertl – les parents et les trois filles- sont des Allemands exilés en Bolivie après la Seconde Guerre Mondiale. Le père, Hans, était en effet le cameraman de Leni Riefenstahl, connue pour avoir réalisé des films de propagande nazie ainsi que le célèbre film sur les Jeux Olympiques de Berlin en 1936. Hans s’est reconverti en Bolivie en une sorte d’Indiana Jones à caméra, partant à la recherche de temples et autres lieux archéologiques et filmant les expéditions. Ce sont les trois filles Ertl qui racontent tour à tour l’histoire de la famille : Monika et Heidi, qui l’accompagneront dans une de ses expéditions, et la petite dernière, Trixi. Quelques années plus tard, Reinhardt, un amant de Monika, prend également la parole. Il évoque la personnalité difficile de Monika, et des malheurs- qu’elle provoquera mais aussi qui la frapperont. La Bolivie des années 60 et 70 connait en effet une longue période de dictatures militaires, auxquelles s’opposent des guerillas armées, notamment celle du Che Guevara dont Monika deviendra une des partisanes.
C’est la quatrième de couverture qui m’a appris que ce roman était inspiré d’une histoire vraie, Hans et Monika Ertl ayant réellement existé. « Les Tourments » comporte peu de pages, une centaine, pourtant c’est un livre dense qui, en seulement quelques vignettes, réussit à recréer une famille, des sentiments, des atmosphères, de manière riche et précise. Les Ertl font partie de ces nombreux Allemands ayant trouvé refuge en Amérique du Sud après la Seconde Guerre Mondiale, pour échapper à des poursuites, ou, dans le cas d’Hans Ertl, à une mauvaise réputation – sa carrière auprès de Leni Riefenstahl n’étant plus le meilleur atout pour trouver des contrats après-guerre. Dans la première partie du roman, l’auteur nous fait pénétrer dans cette famille plutôt décalée : des Allemands de Münich dans une Bolivie hispanophone et semblant encore assez campagnarde et peu développée, un père explorateur cherchant toujours de nouveaux défis – homme ayant un fort caractère et entraînant ses filles dans ses expéditions. Les différentes vignettes étant narrées à la première personne, notamment par les deux filles cadettes, Heidi et Trixi, on connait leurs aspirations, leurs sentiments, leurs ressentis et il est facile de s’attacher à elles. La deuxième partie tourne beaucoup plus autour de Monika et elle est plus ancrée dans le contexte géopolitique bolivien. On y découvre la vie des guerilleros et leur lutte contre la dictature militaire en place.
J’ai trouvé les deux parties très différentes, mais tout aussi intéressantes l’une que l’autre. L’auteur est doué à la fois pour recréer la vie d’une famille et pour dépeindre une des périodes les plus sombres de l’histoire bolivienne. Les différentes vignettes racontées par différents protagonistes auraient pu donner un aspect morcelé et superficiel au livre mais l’auteur réussit à créer un liant entre les histoires et à se servir de ce procédé pour rendre le récit plus dense et plus riche. Les personnages sont incarnés, les tensions sont bien rendues, et il y a vraiment des scènes fortes et marquantes. Et tout ça en cent pages!
J’ai vraiment beaucoup aimé « Les Tourments » de Rodrigo Hasbùn, que j’ai lu avec attention et plaisir. C’est un livre dont on parle a priori très peu, je n’ai lu aucun article ni aucun billet de blog sur lui, et c’est bien dommage car ce roman bolivien est vraiment de qualité! Merci au hasard et à ma médiathèque toujours très bien fournie pour cette belle surprise!
Publié en Octobre 2016 chez Buchet-Chastel, traduit par Juliette Barbara, 114 pages.
24e lecture de la Rentrée Littéraire 2016…4e % atteint!
Allez, tu m’as convaincue de noter ce roman… la Colombie, on n’y va pas si souvent grâce à des romans…
Surtout que c’est en Bolivie Kathel!
Je le note aussi ! Tu éveilles ma curiosité ! et je ne crois pas avoir lu de roman bolivien encore (ni entendu parler de celui-ci !).
Oui c’est bizarre, personne ne parle de ce livre!
De la littérature bolivienne, ce serait une première pour moi !
oui ça ne court pas les rues…
Je n’en ai moi non plus pas du tout entendu parler, et je te remercie pour ton billet : tout à fait le genre de texte propre à m’intéresser !
tant mieux si je t’ai convaincue 🙂
Tu piques ma curiosité… Première fois que j’entends parler et du roman, et de l’auteur. Je vais y voir de plus près!
j’espère qu’il te plaira !
Je dois être fatiguée…mais je ne comprends pas pourquoi tu parles de « vignettes » : ce n’est pas un roman ?
si, mais à chaque chapitre on change de narrateur, de lieu…Une des filles va raconter l’expédition à laquelle elle participe, puis une autre raconte le Noël qu’elle passe seule avec sa mère, puis c’est l’amant de la fille aînée qui raconte un moment que tous deux passent ensemble…