Après « Ce que je ne veux pas savoir » qui évoquait l’enfance et l’adolescence de Deborah Levy, on retrouve dans « Le Coût de la vie » – deuxième tome de sa trilogie autobiographique dont le dernier volume reste à paraître – l’autrice à la cinquantaine, alors qu’elle vient juste de divorcer.
Deborah Levy frappe fort dès la première phrase : « ainsi que nous l’a dit Orson Welles, une fin heureuse dépend du moment où l’on arrête l’histoire ». L’autrice compare son mariage à un navire qui coule : elle a sauté du navire et sait que si elle y retourne, elle se noiera. Mais où doit-elle aller?
La maison familiale étant vendue, elle s’installe dans un petit appartement mal fichu, dans un immeuble en travaux, avec ses filles. Elle doit recréer un foyer, recréer une famille autour d’elle, ses réactions, ses priorités changent. Elle doit également payer les factures et accepte toutes les propositions de travaux d’écriture tout en ayant également ses propres idées de livres. Mais où peut-elle bien écrire alors que dans son petit appartement elle n’a plus de bureau? Une amie d’un certain âge lui propose alors d’utiliser le cabanon de son jardin, un espace qui va devenir le sien, et où elle va écrire trois livres dont celui-ci.
Deborah Levy raconte ici, avec humour mais pertinence, comment elle a trouvé en elle des ressources pour reprendre possession de sa carrière professionnelle, de son espace, de son écriture (utilisant par exemple pour la première fois le « je »), et trouvé un équilibre entre contraintes et liberté pour se sentir chez elle dans sa maison comme dans sa vie. Comme dans « Ce que je ne veux pas savoir », elle convoque dans son texte Marguerite Duras, ou encore Simone de Beauvoir.
Ce texte est aussi l’occasion d’évoquer plus en détails sa mère, déjà croisée dans le premier tome, avec qui les relations n’ont pas toujours été au beau fixe, car les deux femmes avaient du mal à se comprendre. Avec le recul, Deborah Levy rend hommage à sa mère, qui a tourné le dos à sa famille sud-africaine conservatrice pour épouser un historien juif désargenté avec qui elle a combattu contre l’Apartheid, et qui a réussi à faire vivre sa famille pendant des années grâce à son travail de secrétaire lorsque le père était emprisonné. Les chapitres consacrés à sa mère sont particulièrement émouvants, notamment l’anecdote tragi-comique de l’achat des glaces lorsque la mère est mourante à l’hôpital.
Un texte riche et passionnant, qui nous raconte la renaissance d’une femme et d’une autrice, qui fait la paix avec son passé, avec elle-même, et qui, en trouvant sa voie, trouve également sa voix.
Publié en Août 2020 aux éditions du Sous-Sol, traduit par Céline Leroy, 144 pages.
21e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2020.