Il n’en revint que trois – Gudbergur Bergsson

Lisant les romans d’Arnaldur Indridason depuis un certain nombre d’années, je suis toujours friande de découvrir de nouveaux auteurs islandais (bien sûr traduits par Eric Boury!). Et le résumé d’« Il n’en revint que trois » de Gudbergur Bergsson était plus qu’alléchant : la transformation de l’Islande, des années 30 à nos jours, vue à travers les habitants d’une ferme… Et quel titre intriguant! Pourtant mon avis sur ce roman est plutôt mitigé…

Le roman commence dans les années 30, un peu avant le début de la Seconde Guerre Mondiale. Dans une ferme au milieu de nulle part vit une famille composée d’un couple de personnes âgées, de leur fils mais aussi de leurs deux petites-filles – « les gamines » – que le couple élève comme ses enfants depuis que leurs mères ont disparu en les laissant derrière elles. Un enfant habitant dans une autre ferme, « le gamin », vient souvent leur rendre visite. Le foyer mène une vie relativement préservée et isolée. C’est la grand-mère qui fait la classe aux gamines, l’école se trouvant trop loin pour qu’elles s’y rendent quotidiennement. Un jour, deux visiteurs se présentent à la ferme : ce sont des étudiants britanniques admirateurs de l’Union Soviétique. Plus tard, les habitants de la ferme rencontrent un Allemand opposant au nazisme…et lorsque la Seconde Guerre Mondiale commence, arrivent les Américains qui installent des bases sur le sol islandais, stratégiquement placé entre les Etats-Unis et le continent européen. Ils amènent avec eux la modernité, mais aussi un afflux de dollars : les trafics de toutes sortes commencent entre Américains et Islandais, et les traditions tout comme les familles commencent à se déliter…Vers la fin du XXe siècle, ce sont ensuite les touristes qui débarquent en Islande…

L’idée de départ de « Il n’en revint que trois »  était excellente, et effectivement j’ai beaucoup aimé le début du roman, avec cette ferme isolée ayant un côté intemporel. L’ouverture du pays, relativement préservé jusque là, va créer des situations dans lesquelles les mauvais penchants vont s’exprimer : la plupart des Islandais que l’on croise dans ce livre sont prêts à tout pour gagner plus d’argent ou avoir une vie plus confortable. Des trafics d’alcool, de pièces détachées se créent. Des jeunes filles vont coucher avec des Américains par intérêt. Les prénoms sont modifiées, la langue islandais se transforme, les jeunes s’éloignent de leur famille, de leur village pour mener une vie totalement différente…

Mais au fur et à mesure du récit mon intérêt s’est amenuisé. Sans doute parce que j’aimais bien les gamines, et que celles-ci sont soudainement sorties de l’histoire. Le Fils et le Gamin, puis essentiellement le Gamin, deviennent les personnages principaux mais également des personnages de plus en plus antipathiques, auxquels il est difficile de s’attacher. Il m’a même semblé qu’il y avait des incohérences au niveau de l’âge du Gamin vers la fin du roman, car celui-ci était enfant avant le début de la Seconde Guerre Mondiale et ne semble pourtant pas si âgé à une époque où l’on mentionne l’usage d’Internet, donc sans doute fin des années 90- début des années 2000, alors qu’il doit avoir dans les 70 ans. J’ai fini par me lasser de ces personnages fourbes, intéressés, qui ne semblent pas ressentir d’affection ou de considération pour leur famille et leur entourage...Dommage, car l’histoire et la culture de l’Islande méritent que l’on s’y attarde.

Le regard que Gudbergur Bergsson porte sur ses compatriotes semble bien amer et pessimiste – cela n’est pas un problème en soi, cela aurait pu donner un roman noir ou un portrait au vitriol, mais les personnages m’ont semblé trop froids, trop ternes, trop lointains pour pouvoir porter « Il n’en revint que trois »…Une thématique intéressante, un angle original mais un roman qui ne m’a pas convaincue et qui ne me laissera pas un souvenir impérissable.

Publié en Janvier 2018 aux éditions Métailié, 208 pages.

6e lecture de la Rentrée Littéraire de Janvier 2018.

4 commentaires sur “Il n’en revint que trois – Gudbergur Bergsson

  1. Je suis d’accord, cette façon de voir les Islandais n’est guère enthousiasmante. Si cette manière de les décrire ne me déplaisait pas trop au début, en attendant de voir où ça allait mener, ça a fini par me lasser.

Répondre à Valérie Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *