Un peu comme le Karine Tuil, « Tout ce que je suis » d’Anna Funder (roman qui a passé les sélections d’Octobre), vu les thèmes qu’il évoque, avait en théorie tout pour me plaire. En effet, contrairement à beaucoup de livres sur le nazisme, celui-ci se concentre sur la période d’avant-guerre et la résistance allemande. Avec en plus, la vie en exil, des personnages réels- Ernst Toller et la fascinante Dora Fabian, de l’amour et des trahisons, tous les ingrédients étaient réunis pour que ce roman soit une réussite. Malheureusement, et malgré des critiques dithyrambiques, ce n’est vraiment pas le cas.
Dans les années 30 en Allemagne, deux cousines Dora et Ruth, impliquées dans le mouvement socio-démocrate, s’opposent à la montée du nazisme. Dans leur entourage gravitent Hans, journaliste qui deviendra le mari de Ruth, et Ernst Toller, dramaturge qui sera l’amant de Dora. Tous les quatre vont devoir s’exiler en Angleterre d’où ils tenteront d’avertir l’opinion publique sur les dangers du nazisme et d’organiser la résistance en Allemagne.
Anna Funder fait narrer l’histoire par Ruth de nos jours et par Ernst en 1939… procédé intéressant si ces deux personnages avaient des points de vue opposés ou complémentaires, et si les époques différentes avaient permis d’enrichir le récit, mais ce n’est absolument pas le cas. La vie de Ruth aujourd’hui n’apporte rien à l’histoire, quant au personnage d’Ernst, il est mal incarné et son dialogue avec sa secrétaire Clara ajoute juste un peu plus d’ennui au récit. Je n’ai d’ailleurs constaté aucune différence de style entre la narration de Ruth et celle d’Ernst, et au fur et à mesure de ma lecture, alors que mon intérêt et mon attention faiblissaient, il m’est arrivé plusieurs fois de ne plus savoir qui parlait…ce qui provoque des questionnements existentiels: « Tiens, pourquoi Ruth embrasse-t-elle soudainement sa cousine Dora sur la bouche ? Ah non, c’est Ernst qui parle… ! »
Une sensation d’ennui sur cinq cents pages, un choix de narration à deux voix mal maîtrisé et inabouti, des flash-backs convenus et qui n’apportent rien à l’histoire, sans parler d’un style bancal et d’un vocabulaire parfois peu idoine (à se demander même s’il n’y a pas un problème de traduction, « nichée dans une queue de renard », vraiment?)… « Tout ce que je suis » pourrait être un bel exercice de réécriture pour qui souhaite donner sa chance aux personnages et beaucoup plus de poids à l’histoire.
C’est en tout cas pour moi une grosse déception et Dora Fabian, qui semblait être une femme étonnante, courageuse, engagée, libre et progressiste, méritait bien mieux que ce roman inabouti.
Voir à ce sujet les avis de mes charmantes co-jurées:
J'ai lu ton billet un peu en diagonale parce que j'aimerais l'aimer ce roman (mais bon…vous lui reprochez toutes un peu la même chose), je l'attaque après Fille de la campagne et je reviens ici
j'évite de lire en détail les billets sur des livres que j'ai prévu de lire pour ne pas être trop influencée…
Moi aussi souvent il y a des livres que j'aimerais aimer (le Tuil, celui-là, le Chalandon…) Pour les 2 premiers c'est raté, je fonde beaucoup d'espoirs sur le 3e! Je me mets à Fille de la Campagne en fin de semaine…
Je n'ai pas pu le lire jusqu'au bout : je ne savais jamais qui était qui quand il y avait des changements de personnages! Je m'ennuyais trop 🙁
Bonjour,
j'ai lu il y a très peu un billet positif sur une roman qui semble avoir la même thématique (et chez le même éditeur, je crois) : "La désobéissance d'Andreas Kuppler" de Michel Goujon. Il a l'air plus intéressant que celui dont tu parles ici.
je ne connais pas ce roman, mais le sujet m'intéresse donc je suis preneuse! Merci pour ce conseil!