Viscères – Mo Hayder & La Ferme – Tom Rob Smith

Aujourd’hui, dans le cadre du Mois Anglais, c’est le jour consacré au polar anglais, et je vais donc vous présenter deux thrillers écrits par des auteurs anglais reconnus : « Viscères » de Mo Hayder et « La Ferme » de Tom Rob Smith.

————————————————————————————————————————————-

J’avais découvert Mo Hayder il y a environ dix ans avec « Tokyo », mais elle écrit également des policiers avec un héros récurrent, l’inspecteur Jack Caffery, marqué à jamais par la disparition de son frère lorsqu’il était enfant. « Viscères » fait partie de cette série, mais le fait de ne pas avoir lu les précédents volumes ne nuit pas à la compréhension du récit.

Il y a quinze ans, un homme avait éviscéré un couple de jeunes amoureux près de la propriété des Anchor-Ferrers, avant d’être arrêté par la police et écroué. Et voilà qu’aujourd’hui, les Anchor-Ferrers – le père, la mère et leur fille de trente ans – trouvent des entrailles dispersées dans leur jardin…


Résultat de recherche d'images pour "mo hayder"Les idées sur lesquelles Mo Hayder a basé son récit sont vraiment excellentes : un passé traumatisant qui resurgit brutalement quinze ans après, un huit clos glaçant dans cette grande propriété sans voisinage proche, et une autre sur laquelle je ne m’étendrai pas sous peine de spoiler complètement l’intrigue!
Tout était donc réuni pour que ce polar soit une vraie réussite, et pourtant mon avis est mitigé, tout d’abord car le style d’écriture est plat et ne met pas le récit en valeur.
Ce n’est pas un problème de traduction, puisque mon collègue qui l’a lu, par hasard, en même temps que moi, mais en V.O., a fait la même constatation.Mo Hayder a un vrai talent pour jouer avec les nerfs du lecteur, le premier chapitre, qui met en scène une petite fille, est très réussi, et la découverte macabre de la famille Anchor-Ferrers, qui sent confusément que l’ennemi est proche, mais ne peut ni prévenir ni fuir, fait vraiment froid dans le dos. Cependant, l’auteur qui sait pourtant nourrir le récit en s’appuyant sur les peurs collectives et les fantasmes, ne va pas assez loin à mon goût dans l’angoisse et la tension qu’elle distille. La faute à plusieurs éléments qui ne m’ont pas semblé très crédibles, que ce soit une sous-intrigue (des actes commandités pour empêcher la réalisation d’un projet qui manquent de réalisme), le comportement de plusieurs personnages (un méchant qui ne l’est en fait pas tant que ça ; un autre méchant qui se rend sans opposer de résistance…) ou de grosses coïncidences (une personne clé travaille comme par hasard dans une entreprise liée à l’intrigue ; Jack Cafferty, qui pourtant rame et perd un temps fou à chercher des indices, arrive toujours pile-poil au bon moment…)

C’est dommage, il y a beaucoup de machiavélisme dans ce récit, et ce polar aurait pu être brillant d’autant plus que Jake Cafferty apprend des éléments nouveaux sur la disparition de son frère, ce qui fait progresser le fil conducteur de cette série policière. Le style littéraire plat et le manque de crédibilité en font pourtant un polar agréable à lire, mais sans plus, alors que c’était un haut potentiel!

——————————————————————————————————————————————


« La Ferme » de Tom Rob Smith, connu pour la trilogie « Enfant 44 » est très différent. Inspiré de l’histoire personnelle de l’auteur, il s’agit d’un thriller psychologique mettant en scène un jeune homme vivant à Londres, Daniel, dont les parents sont partis vivre en Suède, pays d’origine de la mère, pour leur retraite.
Sa mère revient brusquement en Angleterre et lui tient un discours très construit et articulé, pièces à conviction à l’appui, où elle dit s’être enfuit de Suède pour échapper à ‘un voisin, un homme machiavélique dont la fille adoptive a mystérieusement disparu. Cet homme serait un dangereux psychopathe, dont le complice serait … le propre père de Daniel. Le jeune homme est complètement déboussolé. Qui croire? Sa mère ? ou son père, qui lui téléphone en affirmant que la mère est atteinte de démence paranoïaque? Daniel, qui a toujours cru que ses parents étaient un couple aimant et soudé découvre petit à petit qu’il y a un profond fossé entre les apparences et la réalité. Ne sachant plus à quel parent se fier, voyant que tout ce qu’il pensait avéré et acquis dans son histoire familiale est remis en question, il partira enquêter sur place, en Suède. Traumatismes, haines et secrets de famille seront au rendez-vous.

 

J’ai beaucoup aimé ce thriller que j’ai trouvé vraiment original. Dès les premières pages, l’ambiance est oppressante, et on ne sait qui croire, de la mère en fuite, ou du père qui est encore en Suède mais est très présent, dans le récit de sa femme, comme par ses appels téléphoniques. Daniel, fils unique de cette famille sans histoire, pris en porte-à-faux entre ses deux parents, ne sait pas lequel des deux est fou : a-t-il affaire à une paranoïaque ou à un homme calculateur et criminel? J’ai trouvé très intéressant le parallèle entre les mensonges du fils et les mensonges de ses parents : Daniel découvre, effaré, que la vie de ses parents, leurs réelles motivations pour partir en Suède, ne sont absolument pas ce qu’il croyait, et qu’il ignore tout un pan de leur histoire, tandis qu’il leur ment depuis toujours en leur cachant son homosexualité et sa vie commune avec son compagnon.

A travers le récit de la mère, l’atmosphère microcosmique de ce petit village suédois est très bien rendue, ainsi que les difficultés d’adaptation de cette femme, qui revient dans son pays après des décennies en Angleterre, et est considérée comme une étrangère, à qui on répond en anglais lorsqu’elle prend la parole en suédois. Il y a une tension très forte dans ce livre, avec beaucoup d’hostilité, que ce soit celle de la nature, ou des voisins, sans parler de celle qui se développe entre les deux membres de ce couple autrefois uni même dans les épreuves.

Le récit est bien mené, on est toujours sur la corde raide entre délire, mensonges, et vérités, entre situation actuelle et lourd passé. Tom Rob Smith a su tirer de son expérience personnelle – qu’il raconte à la fin du livre – un roman original dans sa structure comme dans son ambiance. Lui qui s’est fait connaitre avec une trilogie policière sur fond de stalinisme prend ici un virage radicalement différent, et montre qu’il sait également jouer sur la corde psychologique. Une bonne surprise!

Viscères de Mo Hayder : publié aux Editions Presse de la Cité le 15 Janvier 2015, traduit par Jacques Martinache, 440 pages.

25e participation au Challenge Rentrée Hiver 2015 organisé par Valérie et hébergé par Laure de Micmelo.

La Ferme de Tom Rob Smith: publié chez Belfond le 2 Octobre 2014, traduit par Elisabeth Peellaert,341 pages.
56e contribution au Challenge 1% rentrée littéraire 2014 organisé par Hérisson …

12 commentaires sur “Viscères – Mo Hayder & La Ferme – Tom Rob Smith

  1. Je me laisserai bien tenter par le second. J'avais été très déçue par Pig Island de Hayder (après avoir adoré Birdman, si mes souvenirs sont bons), et j'ai très envie de lire Smith dont j'ai déjà Enfant 44 dans ma pal. Je rajoute direct celui-là!

  2. Enfant 44 me tente bien mais la Ferme pas trop, quand à l'idée de départ de Viscères, ça a l'air intéressant, mais je m'en tiendrai à ton avis au vu des bémols soulevés mais aussi à cause de la couverture que je trouve dégueu, oui j'suis une chochotte!

  3. @Tachas : et maintenant tu vas le lui emprunter 😉
    @tant qu'il y aura des livres : moi aussi je pensais que Viscères me plairait plus que la Ferme!
    @Hilde : j'ai lu Birdman mais pas Fétiches…
    @Choup : Birdman était bien effectivement mais je n'ai pas lu Pig Island

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *