J’avais découvert Eliette Abecassis avec la parution de « Qumran » que j’avais adoré à l’époque – j’étais alors adolescente, et je ne l’ai pas relu depuis. Je n’ai par contre pas vraiment accroché à ses romans suivants…je sens très bien en lisant ses livres qu’ Eliette Abecassis est une personne très cultivée et j’apprends souvent beaucoup de choses grâce à ces lectures, mais je ne suis pas fan des romans qu’elle construit autour de ce savoir. Qu’en est-il pour Alyah?
Dans ce roman, on retrouve le personnage d’Esther Vidal, qui était déjà présente dans Sépharade (roman dont l’intrigue m’avait fait bailler mais grâce auquel j’avais appris beaucoup de choses sur la culture sépharade). Aujourd’hui divorcée et mère de deux enfants, elle est confrontée aux attentats de Janvier, à la montée et à la banalisation de l’anti-sémitisme en France et se demande si elle ne devrait pas faire son Alyah, c’est à dire partir s’installer en Israel.
J’ai retrouvé dans ce livre ce que j’aime chez Eliette Abecassis : cette justesse, cette clarté, cette intelligence dans la formulation des doutes qui l’animent. Le personnage principal, qui ressemble fortement à l’auteur, retrace le parcours de sa famille, et notamment celui de ses parents, qui, Marocains de naissance, avaient dû quitter leur pays pour partir en France en 1958 et étaient devenus des Français, voire même des Alsaciens à part entière, laissant derrière eux leur langue, leurs coutumes, leur passé, et vivant leur religion dans leur foyer, de façon privée. Eliette Abecassis se demande si elle aussi devra quitter son pays pour se réinventer ailleurs, en suivant l’injonction d’Abraham dans la Bible.
L’auteur s’interroge de façon très pertinente sur la laïcité, le conflit israelo-palestinien, l’attachement à la république, l’identité… Est-elle Juive, Française, Berbère, Marocaine? comment concilier sa religion, le pays d’origine de ses parents, le pays où elle est née?
Un épisode de l’intrigue rappelle de façon très intéressante l’histoire des Juifs en France, notamment ceux qu’on appelait les Juifs du Pape au Moyen-Age.
Par contre les parties consacrées aux échanges entre Esther Vidal et un de ses amis, un certain Julien plutôt tête-à-claque, m’ont ennuyée, en alourdissant inutilement le récit, ainsi que les passages où Esther Vidal se rend à des réunions de lutte contre l’anti-sémitisme et propose des idées plus que farfelues pour détourner l’opinion publique de l’anti-sémitisme, sans que j’arrive à comprendre si ces idées étaient sérieuses, ironiques, ou servaient juste à montrer que la crainte, le stress et la pression peuvent pousser les gens à prendre de mauvaises décisions (comme refuser l’entrée de la synagogue à un vieil homme juste parce qu’on ne le connait pas) ou à dire n’importe quoi.
Je ne pense pas que la forme romancée d' »Alyah » apporte une valeur ajoutée aux idées et aux interrogations exprimées dans ce livre. Un essai aurait sans doute été beaucoup plus pertinent que ce roman parfois bancal, mais j’ai néanmoins apprécié de lire ce texte sincère, personnel et cultivé, ce cri à la foi d’alarme et d’amour d’Eliette Abecassis pour la France et ses valeurs.
Publié le 13 Mai 2015 chez Albin Michel, 256 pages.