Au Bonheur des Dames – Emile Zola

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Vous le savez, je ne suis pas une grande fan de classiques, et Zola n’est pas – et de loin – mon auteur préféré. Pourtant, parfois, il faut savoir mettre ses préjugés de côté… C’est que j’ai fait avec « Au Bonheur des Dames » d’Emile Zola, et je ne le regrette pas car je me suis plongée avec ravissement dans cette lecture !

En 1864, une jeune orpheline de 20 ans, Denise, arrive à Paris en compagnie de ses deux petits frères, Jean 16 ans, et Pépé, 5 ans. Son oncle ne peut malheureusement pas les accueillir, son magasin de soieries va très mal, subissant la lourde concurrence du grand magasin « Au Bonheur des Dames » qui s’est installé juste en face de sa petite boutique. C’est dans ce magasin révolutionnaire, par sa taille, son organisation, ses techniques de vente, que Denise va trouver du travail, tout en bas de l’échelle…

C’est dans un Paris en pleine mutation qu’Emile Zola situe ce roman. Nous sommes en plein dans les travaux entrepris par Haussmann pour faire de Paris une ville moderne et propre aux larges avenues et aux immeubles coordonnés. En parallèle, la mise en place des grands magasins sonne le glas des petites boutiques sombres du quartier, que déserte la clientèle, attirée non seulement par les meilleurs prix mais aussi par le panache et le luxe abordable d' »Au Bonheur des Dames ».

Denise fait la jonction entre ces deux mondes puisque son oncle et les amis de celui-ci possèdent les boutiques des alentours. Très vite, elle comprend que les grands magasins sont l’avenir, et que c’est par eux qu’elle pourra avoir l’opportunité de s’en sortir, même si la route sera longue et difficile, tandis que les boutiques sont vouées à fermer, victimes de faillites.
C’est par son intermédiaire que l’on découvre le fonctionnement intrinsèque du grand magasin, avec son personnel très hiérarchisé, l’organisation calculée des rayons, les prix calculés au plus juste pour attirer la clientèle, les débuts du marketing et de la publicité. Non seulement c’est très intéressant au niveau informatif, mais Zola réussit par ses descriptions habiles à faire vivre le magasin pour ses lecteurs, avec la multitude de tissus et de vêtements, les clientes qui se pressent dans les allées, les employés qui se battent pour monter les échelons…C’est un véritable microcosme, un monde clos : les employés ne font pas qu’y travailler, beaucoup y mangent aussi, et y dorment, des amitiés se développent, des histoires d’amour également, mais aussi des rivalités, des ruses pour écarter la concurrence, des vols, des escroqueries…

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Emile Zola

Denise est la parfaite héroïne pour un roman : vertueuse, honnête, droite, toujours soucieuse du bien-être de ses frères, elle aura sur sa route de très nombreux obstacles, dont elle triomphera sans rien perdre de son honneur et de ses principes, guidée par son sérieux au travail et sa moralité. Bouc émissaires de ses collègues au début du roman, elle gravira peu à peu les échelons de la hiérarchie, attirant par son charme mais aussi sa personnalité l’attention d’Octave Mouret (héros de « Pot-Bouille » que j’ai du coup bien envie de lire…) , le grand patron d' »Au Bonheur des Dames » qui ne supporte pas qu’elle lui résiste : un patron pour qui le magasin n’est pas qu’un investissement, puisque malgré une vie sociale bien remplie, il est sans cesse dans les allées du magasin, vérifiant que tout se passe bien, et cherchant de nouvelles idées pour développer l’activité et ramener encore plus de chiffre d’affaires. C’est un homme très intelligent, moderne et précurseur, qui n’hésite pas à prendre des risques pour conquérir encore plus de clientèle. Il y a d’ailleurs un nombre incalculable de personnages dans ce roman, entre les employés du magasin, les commerçants du quartier, les clientes du magasin, tous très bien dépeints par Zola. Plusieurs thématiques semblent d’ailleurs très modernes, et font sourire, comme par exemple la « shopaholic » qui cache ses achats à son mari.

Afficher l'image d'origineMalgré les très nombreuses descriptions, « Au Bonheur des Dames » d’Emile Zola est un roman qui se lit tout seul, plein de vie et d’énergie. On imagine sans peine les rayons débordant de produits, les clientes qui virevoltent, les employés qui courent partout, comme dans une gigantesque ruche, on en prend plein les yeux. C’est le triomphe de la modernité, où l’on doit s’adapter, que ce soit les employés ou les commerçants, pour ne pas disparaître, broyé par la machine, et mourir. On suit avec intérêt et plaisir les tribulations de Denise, qui tente d’abord de survivre puis de faire son chemin dans ce grand magasin, ainsi que son histoire d’amour avec Octave Mouret. Romantisme et capitalisme se mêlent pour livrer un roman passionnant sur un tournant de l’histoire du commerce. A noter que le roman a été adapté par la BBC en une série télévisée, « The Paradise », ce qui n’est pas étonnant vu le côté graphique de ce livre. Même si vous répugnez à lire des classiques, celui-ci est tellement vivant  et plaisant qu’il ne pourra que vous passionner. Heureusement d’ailleurs qu’il y a quelques tournures surannées pour rappeler qu’il a été écrit au XIXe siècle, tant l’histoire et la thématique semblent modernes.

Publié en 1883, disponible en poche, 524 pages.

Participation au Mélange des Genres organisé par Miss Léo dans la catégorie « classique français »

15 commentaires sur “Au Bonheur des Dames – Emile Zola

  1. Je ne l'ai jamais lu mais par contre quand tu racontes l'histoire, je réalise que j'ai du voir l'adaptation télévisée car cette histoire m'est familière. Comme toi, les classiques (surtout français) et moi, ça fait deux – mais là tu me tentes bien !

  2. J'ai décidé de les lire tous mais je n'en suis qu'à La conquête de Plassans. En tout cas, je me régale de cette écriture et de ces histoires. Adolescente j'aimais déjà bien cet auteur mais je l'apprécie d'avantage devenue adulte.

  3. Souvenirs souvenirs… Comme Galéa, je l'ai lu à 13 ans. C'était mon premier Zola et après la découverte de Dumas, il m'a définitivement plongée dans la littérature du XIXe siècle, que j'adore ! Merci pour ce très beau billet, qui évoque en effet la modernité de ce texte. Tu me donnerais presque envie de le relire !

  4. @eimelle : le roman qui m'a réconciliée avec Zola 🙂
    @Moka : je vais également lire Pot-Bouille puisque cela parle de l'initiation d'Octave Mouret
    @Fleur : merci! ravie que tu l'aies apprécié également!
    @Delphine : mais oui, il faut le relire 🙂

  5. @Une ribambelle : c'est vrai que les lire/relire tous, et dans l'ordre, me tente bien!
    @Electra : ça a été adapté au cinéma donc c'est fort possible effectivement!
    @Cousines : oui il y a du froufrou mais cela sert bien l'histoire, ce n'est pas un roman frivole
    @Galéa : je pense que tu l'aimerais tout autant 🙂

  6. Pot-Bouille te donnera un nouvel éclairage sur Mouret qui est bien sage dans le Bonheur, il est peut-être un peu moins moderne est haletant mais toujours intéressant à lire. Au bonheur des dames est l'un de mes Zola préférés avec Le ventre de Paris, qui par certains côtés s'en rapproche assez.

  7. @Tiphanie : j'ai un excellent souvenir du Ventre de Paris, que j'avais étudié au lycée. j'ai hâte de lire Pot Bouille, justement parce que j'ai envie d'en savoir plus sur la jeunesse de Mouret

    @ Clara: je n'ai pas lu tant de Zola que cela, 6 ou 7 tout au plus, mais celui-ci a réveillé mon envie d'en découvrir plus

    @Tant qu'il y aura des livres: très contente de t'avoir donné envie de le relire!

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