Sa majesté des mouches – William Golding

« Sa majesté des mouches » de William Golding est un livre estampillé « jeunesse » que j’avais lu quand j’étais à l’école primaire et qui m’avait fortement marquée. Je l’ai donc relu 25 ans plus tard pour les besoins de l’émission Bibliomaniacs de Mars, spéciale Nature, et si je ne me souvenais bien sûr pas de tous les détails, je me rappelais bien de l’histoire et de certains faits percutants. Je suis d’ailleurs étonnée que ce roman soit considéré comme un livre pour enfants tant il est pessimiste sur la nature humaine!

On ne sait pas vraiment quand exactement se passe ce récit, mais on suppose qu’il se déroule lors de la Seconde Guerre Mondiale puisqu’un des enfants mentionne « la guerre ». Un groupe d’une soixantaine d’enfants et d’adolescents britanniques, âgés de six ans à environ quinze ans, se retrouvent sur une île déserte, sans la présence d’adultes. Comment sont-ils arrivés sur cette île? Un crash d’avion, un naufrage? Il n’est fait mention d’aucun accident, ni d’aucune épave…et pourquoi n’y a-t-il pas d’adulte avec eux? Mystère. Toujours est-il qu’il faut s’organiser pour manger, faire les corvées, et aussi entretenir le feu, qui permettra peut-être de signaler leur présence et de prévenir les secours. Ralph, un adolescent raisonnable, se propose pour être le chef, et par conséquent pour établir les règles de la communauté. Il est appuyé dans sa démarche par Piggy, un adolescent obèse, asthmatique et porteur de lunettes, qui est le souffre-douleur du groupe mais qui est un garçon intelligent et réfléchi. Mais bientôt une partie du groupe va faire sécession, mené par le violent Jack qui met en place une société tribale de chasseurs, ce qui va conduire au drame.

William Golding

« Sa majesté des mouches » est un classique de la littérature mettant en scène une vie en groupe dans un endroit isolé, hors de la société et de ses règles, et qui a inspiré plusieurs œuvres célèbres notamment le roman japonais « Battle Royale ». En tant qu’adulte je trouve ce livre dérangeant, même avec le recul dû à l’âge, et le lire en tant qu’enfant ou adolescent, donc en ayant le même âge que les protagonistes, fait froid dans le dos! Les enfants du groupe viennent d’un pensionnat britannique et ont donc l’habitude d’obéir à des règles et aux adultes. Dès le début du roman, les enfants les plus raisonnables essaient de mettre de nouveau en place une communauté basée sur des règles et des hiérarchies, et de se comporter « comme les grandes personnes le feraient ». Cela marche un certain temps, mais très vite, un nouveau leader, sombre et charismatique, se détache du groupe. Celui-ci met en place une société tribale, presque animale, et surtout très violente, où les ennemis doivent être éliminés du groupe, au sens propre comme au sens figuré. Cette situation exceptionnelle – se retrouver isolés sur une île sans adultes- libère la véritable nature des enfants : devant l’épreuve, les bons enfants deviennent très bons, tandis que les mauvais et les influençables, qui auraient sans doute eu un comportement tout à fait banal dans une situation normale, perdent tout respect pour la nature humaine et deviennent des meurtriers en puissance. Loin des règles établies par plus grands qu’eux (l’Etat, les adultes…), ils retournent à l’état primitif et ont soif de pouvoir et de sang. 

William Golding, qui a reçu le Prix Nobel de Littérature en 1983, nous montre une vision pessimiste de l’enfance livrée à elle-même, où sans la présence d’adultes, l’enfant devient un loup pour l’enfant, et exprime toute sa violence et son sadisme. Ceux qui sont bons, qui tentent de résister, sont froidement assassinés. Seule l’intervention adulte est capable d’enrayer cette spirale déshumanisante et impitoyable. Le postulat de départ – des enfants sans adultes sur une île déserte – est bien sûr extrêmement intéressant, ainsi que le traitement qu’en fait l’auteur. Sa plume est extrêmement graphique, et l’on se représente sans peine l’île, ses reliefs, ses combats, ses courses poursuites, ses bains de sang. Le récit est assurément marquant et percutant, même s’il est quand même très déprimant!

« Sa majesté des mouches » de William Golding est pour moi un roman pour adultes, et absolument pas un roman pour enfants, même si les protagonistes ont tous moins de quinze ans. Un classique à découvrir, pour son influence sur la littérature et le cinéma, et pour sa vision très sombre de l’enfance et de sa tendance à la violence et au sadisme lorsqu’elle n’est pas cadrée par les adultes et par la Loi.

Publié en 1954. Disponible chez Belin-Gallimard, traduit par Lola Tranec, 336 pages.

Et une nouvelle participation au challenge « A year in England »!

CHALLENGEAYEARINENGLAND

25 commentaires sur “Sa majesté des mouches – William Golding

  1. Jamais lu, il me fait peur. Et en tant qu’enseignante, je sais bien que les enfants ne sont pas tous ‘gentils’ les uns envers les autres…
    Il serait aussi grand temps que l’on ne catalogue plus ‘pour enfants’ les romans où les protagonistes sont jeunes, ce ne sont pas toujours de livres pour enfants, et bien souvent d’ailleurs ils sont pour enfants ET adultes. Oui, j’en ai marre de voir dénaturés et raccourcis les romans de Dickens.

    1. je suis d’accord avec toi, trop souvent jeunes protagonistes et romans jeunesse sont associés alors que certains livres sont d’abord destinés à un public adulte…c’est comme dire que les dessins animés sont toujours pour les enfants, et on se retrouve avec le club Dorothée dans les années 80 qui diffusait des mangas violents à un public de gamins…

  2. Billet très inspirant. Il m’attend dans ma PAL, de même que « Battle Royale » (j’ignorai qu’il était inspiré du roman de Golding).
    As-tu déjà vu l’adaptation cinématographie de « Sa majesté des mouches »?

  3. Pareil, lu à l’école et très marquant ! je veux aussi le relire, en anglais car ça fait des années !
    et l’histoire était effrayante, maintenant je me souviens de ma lecture de Peter Pan (pendant mon voyage au Vietnam) et de la violence et méchanceté des enfants de Neverland, Peter Pan est aussi très effrayant.
    Je crois que le regard d’adulte change pas mal notre lecture. Et puis Disney, dans le cas de PP, a effacé toute cette méchanceté… Bref, je l’ai dans ma PàL, en anglais. Tu me donnes envie de le relire très bientôt !

  4. J’en avais étudié des extraits en terminale en anglais et j’avais vu le film, et il m’avait déjà fait froid dans le dos. J’avais lu ensuite le roman en entier en français et j’avais beaucoup aimé, je trouve qu’il nous fait beaucoup réfléchir sur la nature humaine et surtout sur la politique au sens presque philosophique du terme…
    Je travaille aujourd’hui dans une école anglaise et comme toi, je suis assez impressionnée de voir qu’on le fait lire à des petits de douze ans ! (ou alors c’est que je vieillis très vite)

  5. Les enfants sont des monstres c’est bien connu, non mais en fait j’adore ce genre de livre parce qu’il n’y a qu’à voir dans la cour d’une récré comment des enfants peuvent en lyncher d’autre juste parce qu’ils sont différents. J’ai lu Les coloriés d’Alexandre Dumas que j’ai adoré vraiment et qui lui, est très positif !

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