Rosalie Blum – Camille Jourdy

« Rosalie Blum » est une oeuvre que j’ai d’abord découverte au cinéma, avec le film de Julien Rappeneau que j’avais adoré, avant d’apprendre que c’était l’adaptation d’un roman graphique de Camille Jourdy. Connaissant déjà l’histoire, j’étais un peu circonspecte sur ce que cet ouvrage pouvait m’apporter, mais j’ai pourtant eu un coup de cœur pour ce livre!

Vincent est un jeune trentenaire qui mène une vie assez morne dans une petite ville, entre son métier de coiffeur, ses relations compliquées avec sa mère possessive (une version moins soft dirait : « une mégère complètement cinglée) et son couple qui se délite depuis que sa petite amie est partie à Paris. Un jour que son épicerie habituelle est fermée, il va dans un autre magasin, où il est frappé par une certitude : il a déjà vu l’épicière quelque part…mais où? et quand? Pour le savoir, il suit cette femme, dont il découvre qu’elle s’appelle Rosalie Blum. Il devient rapidement obsédé par cette femme solitaire, et la suit de façon quasi quotidienne: au cinéma, à la chorale, au bar où elle s’alcoolise régulièrement et fortement…Mais Rosalie Blum, qui s’est rapidement aperçue de son manège, a plus d’un tour dans son sac, notamment sa nièce Aude, une jeune femme qui a abandonné ses études et végète dans un squat entre deux petits boulots…

camille jourdy
Camille Jourdy

J’ai eu un peu de mal au début avec le style de dessin de Camille Jourdy, auquel je n’accrochais pas vraiment, ainsi qu’avec la physionomie de Rosalie Blum, blonde avec les cheveux au carré, alors que dans ma tête, elle avait vraiment le visage de Noémie Lvovsky. Mais très vite, j’ai été accrochée par cette histoire vive, maligne et pleine d’humanité. Les personnages sont absolument géniaux et attachants, que ce soit les personnages principaux ou les personnages secondaires, notamment la mère de Vincent, une harpie qui vit cloîtrée et passe son temps à jouer des saynètes à l’aide de petites poupées – mais l’entourage d’Aude n’est pas en reste, entre son colocataire, un marginal qui rêve de monter un spectacle de cirque ou ses deux meilleures copines, prêtes à toutes les folies pour en savoir plus sur Vincent et sa famille.

L’intrigue est quant à elle haute en couleurs : elle nous est racontée sous deux angles, tout d’abord celui de Vincent, où l’on découvre sa vie, ses problèmes avec sa mère, ses aventures avec son cousin, et son obsession pour Rosalie, puis celui d’Aude. En effet, Rosalie, qui n’a pas mis bien longtemps à découvrir qu’on la suivait, charge sa nièce d’enquêter sur le jeune homme, une activité que la jeune fille désœuvrée embrasse avec enthousiasme. Car « Rosalie Blum », c’est aussi l’histoire de trois solitudes qui se rejoignent. Vincent n’a jamais su dire merde à sa mère possessive et mène une vie triste et routinière dans la petite ville où il a grandi et qu’il n’a jamais quittée. Aude est en rupture avec sa famille, a abandonné ses études, et ne sait pas quoi faire de sa vie. Quant à Rosalie, elle ne s’est jamais vraiment remise d’un drame survenu il y a des années, et mène depuis une vie solitaire, en noyant souvent son chagrin dans l’alcool.

filmIl y a des moments tristes dans « Rosalie Blum », car chacun des personnages doit faire face à ses démons, mais c’est néanmoins un récit pétillant et plein de fantaisie, avec un côté déjanté qui fait du bien. Pour ceux qui ont vu l’adaptation cinématographique, celle-ci est vraiment fidèle tant à l’histoire de ce roman graphique qu’à son esprit. L’histoire est d’abord parue en trois tomes, mais je l’ai lue en version intégrale ( je ne savais pas qu’Actes Sud publiait des romans graphiques!) et je pense que c’est mieux de la lire d’une traite! C’est un roman graphique qui fait quasiment 400 pages, le temps pour l’auteure de vraiment développer le caractère des personnages et les situations, ce qui en fait une histoire riche et dense, mais facile à appréhender et accrocheuse.

« Rosalie Blum » de Camille Jourdy est une réussite, un roman graphique que j’ai dévoré et qui, malgré une couche de tristesse, est une histoire vive et attachante, tendre et humaniste, et qui fait du bien. N’hésitez surtout pas à lire ce livre si vous avez déjà vu le film, car en même en connaissant déjà le déroulement du récit, et l’univers de cette histoire, vous passerez un très bon moment en compagnie de ces personnages touchants. Et pour ceux qui ne connaissent pas le film, c’est une valeur sûre, une excellente adaptation qui fait s’enchaîner fous rires et moments d’émotion…

Publié chez Actes Sud en version intégrale en Février 2016, 380 pages.

21 commentaires sur “Rosalie Blum – Camille Jourdy

  1. Pareil, j’avais adoré! J’aimerais d’ailleurs voir la version cinématographique!
    As-tu lu « Juliette »? J’espère que Camille Jourdy ne traînera pas trop pour sortir une nouvelle bd 😉

    1. J’ai enchaîné avec Juliette…que j’ai trouvé très fin au niveau psychologique, mais j’ai quand même une préférence pour le côté déjanté de Rosalie Blum!

  2. J’ai lu Juliette cette année et aimé malgré comme toi, quelques réticences au début lié à son dessin mais après on oublie et l’histoire prend le dessus. En lisant ton billet, je retrouve d’ailleurs son regard sur les gens, la solitude, etc.
    Par contre, je dois t’avouer que je n’accroche pas du tout à Noémie Lvovsky – je sais qu’elle est une excellente réalisatrice mais dans un autre film, elle voulait se faire passer pour une trentenaire et désolée (elle a 52 ans, pas de souci – mais j’aimerais qu’elle assume disons son âge car je n’ai pas cru une minute qu’elle avait 35 ans…) et donc je n’ai pas voulu voir ce film pour la même raison. Et contrairement à toi, j’ai vu souvent la BD donc j’associe Rosalie à une blonde au carré court (amusant, j’ai déjà connu ça avec plusieurs adaptations ciné… ) bref, par contre je veux lire le roman graphique et ton billet me confirme que je dois !

    1. J’ai également lu Juliette, j’ai eu aussi un peu de mal avec le dessin, mais l’histoire est belle, il y a de la gravité, de l’humour, les personnages sont très incarnés…bref j’ai beaucoup aimé, même si je trouve que Rosalie Blum lui est quand même supérieur…

      Noémie Lvovsky en trentenaire?c’était quel film? je l’ai beaucoup aimée dans « Camille redouble » mais là elle jouait à la fois une quadra et une lycéenne…
      dans Rosalie Blum elle joue un personnage de son âge…et le film est vraiment génial 🙂

  3. Je vais prochainement lire Juliette! En le feuilletant, je trouvais déjà les planches « petites », présentées en carré. J’ai plus l’habitude de grands dessins qui prennent toute une page! Mais par contre j’aime beaucoup les couleurs douces et chaleureuses. ça fait « printemps ». Rosalie Blum, j’aimerais le lire et voir le film aussi!

    1. j’ai été étonnée aussi par la taille des planches, j’ai l’habitude de plus grand… j’aime bien les dessins mais je n’accroche pas trop à la couverture (ça fait album pour enfant, un peu naïf)

  4. J’adore ce que fait Camille Jourdy. Je l’ai découverte lorsque j’ai vécu en Bretagne. Elle venait de publier « Une araignée, des tagliatelles et au lit, tu parles d’une vie! ». J’avais été emballée par son dessin et son imaginaire.
    Maintenant, je ramasse mes sous pour mettre la main cette fameuse « Rosalie », ainsi que sur « Juliette ».

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