Shibumi – Trevanian

Cela fait un certain temps  que j’entends parler de « Shibumi », roman de Trevanian sorti en 1979 aux Etats-Unis et que Gallmeister a publié en France récemment. Auréolé du mystère dont s’entourait l’auteur, ce livre est souvent présenté comme  culte…mais je dois dire que c’est une lecture qui m’a laissée perplexe.

J’ai eu très peur en commençant ce roman. Je n’ai jamais lu de SAS, mais le début de « Shibumi » m’a fait penser à l’idée que je m’en fais : personnages caricaturaux, humour lourdingue, misogyne et raciste…Tout en espérant que c’était une parodie, je me suis demandé dans quoi je m’étais lancée! Le livre nous met en présence d’une organisation secrète liée à la CIA, qui a fait éliminer à l’aéroport de Rome les membres d’un commando israélien. Mais un des membres est passé entre les mailles du filet, une jeune femme nommée Hannah Stern, qui se réfugie au pays basque dans le château d’un certain Nicolaï Hel à qui elle demande de l’aide.

Et là, complet changement de style, on nous raconte le passé, l’histoire de cet homme, né à Shanghaï d’une mère russe. Lors de l’occupation japonaise, pendant la Seconde Guerre Mondiale, Nicolaï, grâce à un haut gradé de l’armée japonaise qui devient le compagnon de sa mère, est initié à la culture japonaise, et notamment au jeu de go. La plume de Trevanian devient élégante, passionnante et érudite pour nous raconter le parcours de Nicolaï et nous parler de la philosophie japonaise, puis, plus loin dans le récit, d’une autre passion du héros : la spéléologie, avec un long passage qui aurait pu être ennuyeux mais qui devient un grand moment de ce livre.

Mais l’intrigue de ce roman d’espionnage est bien mince, et la plupart des personnages autour de Nicolaï Hel sont assez médiocres, notamment les femmes – Hannah Stern, diplômée d’une grande université américaine et membre d’un commando israélien, est par exemple représentée comme une petite dinde. Les réflexions et postures vulgaires misogynes et racistes sont légion,  sans que le positionnement de l’auteur ne soit très clair – ce n’est pas assez fin pour être drôle, c’est trop outré pour être représentatif d’une époque, et cela manque du recul nécessaire à la parodie…Cela donne simplement des passages lourdingues et fatigants qui cassent la dynamique de ce qui aurait pu être un grand livre.

J’ai donc aimé la moitié de « Shibumi » tout en grinçant des dents en lisant le reste du livre…Un roman que j’ai donc trouvé bancal et qui me laisse une impression mitigée. J’aimerais cependant lire d’autres romans de Trevanian, par exemple « L’Été de Katya ». A noter que l’auteur Don Winslow a repris le personnage de Nicolaï Hel et lui a consacré un livre nommé « Satori ».

Publié en 2016 en poche chez Gallmeister, traduit par Anne Damour, 515 pages.

13 commentaires sur “Shibumi – Trevanian

    1. lis-le pour te faire ton propre avis, il y a de très beaux passages, mais c’est vrai que je ne m’attendais pas du tout à ça, et qu’il m’a laissée perplexe

  1. Je n’ai pas lu celui-ci mais un autre de Trevanian – pareil, il semblait « dater » – une sorte de James Bond de l’époque mais j’avais aimé le milieu (des espions, une chasse à l’homme en montagne) mais je n’ai jamais lu la suite.
    Je lis moins en moins de romans de ce genre, me suis-je lassée ?

    1. oui c’est une sorte de James Bond mâtiné de philosophie orientale, qui sait tout faire et qui maîtrise tous les sujets, et qui est entouré de femmes faire-valoir et d’ennemis pathétiques…

  2. Ah… Il y a pas mal de degrés dans Trevanian, un coté parodique évident qui lui permet surtout de se lâcher sur l’Amérique, ses services secrets et son besoin de toujours dominer le monde. Bien sûr que son personnage est très caricatural, c’est ce qui lui permet de taper fort.
    Personnellement, je l’avais découvert suite au conseil d’un libraire (un super libraire !) qui promettait 2 jours de lecture addictive. J’ai adoré mais je conçois tout à fait que le genre puisse faire l’effet inverse. J’ai enchaîné avec La sanction et l’Expert, aventures d’un gentleman professeur d’histoire de l’art le jour et espion la nuit, là aussi propice à une grosse charge de Trevanian sur les embrouillaminis des services secrets (n’oublions pas que ces romans datent des années 70/80 avec un contexte de guerre froide, les scandales Nixon et autres écoutes et péripéties de la CIA).
    Bref, si tu n’as pas aimé alors tu aimeras peut-être L’été de Katya, beaucoup plus classique et qui moi au contraire m’a destabilisée par rapport à ce que j’avais apprécié avec les autres.

    1. merci pour ton commentaire détaillé Nicole! effectivement je ne suis pas sûre que ses autres romans d’espionnage me plaisent mais je suis bien tentée par L’Eté de Katya!

  3. Je viens de le « finir » (en diagonale après avoir lu 400 pages, parce que je n’avais pas l’impression que mon avis allait changer) et je partage totalement ton avis !

  4. Après avoir dévoré, incident à 20 miles dans lequel les personnages archetypaux sont justifiés et font partis du discours, je me retrouve exactement dans votre critique. Simplisme, racisme et manque de relief des personnages et de l’intrigue. ..Même le moment de spéléologie est faible surtout si on le compare aux écrits de De Luca sur l’alpinisme…

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