Jeu Blanc – Richard Wagamese

Malgré l’excellente réputation des « Etoiles s’éteignent à l’aube », livre que j’ai souvent croisé sur ma route, je n’avais encore jamais lu de roman de Richard Wagamese, et c’est finalement avec « Jeu Blanc », mis à l’affiche de notre podcast littéraire Bibliomaniacsque j’ai découvert cet auteur.

Saul Indian Horse est un Amérindien Ojibwé du Canada. Dans les années 60, lorsqu’il était petit garçon, les enfants amérindiens étaient arrachés à leur famille et placés de force dans des pensionnats. Saul a vu sa famille détruite par la disparition de sa sœur, par la mort de son frère. Malgré la vigilance de sa grand-mère, lui-même n’a pas non plus échappé au drame et a passé plusieurs années dans un pensionnat où les enfants trimaient toute la journée et étaient victimes de mauvais traitements. Seule lueur d’espoir pour Saul : le hockey, dans lequel il excellait, et qui était un moyen de s’évader de son quotidien douloureux. Ce sport lui a permis de quitter le pensionnat en rejoignant une équipe amérindienne, puis une équipe nationale, mais le jeune homme y a très vite été confronté au racisme…

Si je connaissais les persécutions et le racisme dont ont été (sont) victimes les Amérindiens aux Etats-Unis, je n’avais pas conscience qu’il en était de même au Canada. J’ai vraiment été touchée par le portrait de cet homme qui va devoir lutter toute sa vie contre des démons : des démons d’abord bien humains, puis l’alcoolisme et la dépression.

La plume de Richard Wagamese change au gré des périodes de la vie de Saul : celle de l’enfance est riche et imagée lorsque Saul est connecté à la nature, à son histoire, à sa famille. Puis elle devient de plus en plus sèche, de plus en plus froide lorsque le garçon arrive au pensionnat. Les enfants sont dépossédés de leur famille, de leur culture mais on ne leur donne rien en échange. On les transforme en coquille vide, ils se mettent en retrait d’eux-mêmes pour supporter les mauvais traitements, n’arrivent même plus à créer des liens entre eux. Les pages qui concernent le pensionnat sont d’ailleurs très dures, les enfants sont nombreux à mourir – accidents, violence, suicide…et avec une économie de mots, Richard Wagamese nous montre l’horreur de la situation et les ravages physiques et psychologiques engendrés chez eux. Mais quand Saul est sur la glace, la langue redevient lumineuse et puissante – et les pages consacrées au sport sont d’ailleurs très belles, même pour quelqu’un comme moi qui ne suis pas sportive et qui ne connais rien au hockey.

Il y a un retournement de situation dans « Jeu Blanc » – que j’avais subodoré, mais qui pourrait déstabiliser certains lecteurs. J’ai pour ma part trouvé que l’auteur était très pertinent pour décrire les mécanismes psychologiques et l’attitude de Saul…peut-être parce que cette histoire est inspirée de sa propre vie.

« Jeu Blanc » de Richard Wagamese est un très beau livre, fin, juste, sans pathos, et un roman à lire pour en savoir plus sur les Amérindiens au Canada. A découvrir.

Publié en 2017 chez Zoé, traduit par Christine Raguet, disponible en poche chez 10/18, 256 pages.

Retrouvez ce livre à l’affiche de l’émission d’Octobre 2019 du podcast Bibliomaniacs ici.

8 commentaires sur “Jeu Blanc – Richard Wagamese

  1. Après avoir lu « Les étoiles s’éteignent à l’aube », continuer la découverte de cet auteur est une évidence… et je crois n’avoir lu aucun avis négatif sur ce titre. Il paraît que celui qui vient de sortir est aussi très bon.

    1. Mais, j’avais émis quelques bémols sur « Jeu blanc » (« Cheval indien » en version québécoise!). Mais aucun sur « Les étoiles s’éteignent à l’aube », immense coup de coeur pour moi. Son dernier roman sera d’ailleurs ma prochaine lecture.
      Chère Eva, poursuis ta découverte de Wagamese et aussi… n’oublie pas de lire le roman de Tommy Orange, hein?!

  2. L’un de mes grands coups de coeur de l’année 2018 , avec le Lambeau de Philippe Lançon et Dans les angles morts d’Elizabeth Brundage ( oui, 3 pôles bien différents !) . Prévenir les âmes sensibles que certaines scènes à l’orphelinat sont vraiment dures…ça vaut largement Dickens , hein

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