« A la ligne » de Joseph Ponthus est un récit autobiographique que j’ai lu dans le cadre de notre podcast littéraire Bibliomaniacs. L’auteur, à l’origine travailleur social en Ile-de-France, ne trouve pas d’emploi dans son secteur lorsqu’il s’installe en Bretagne pour y rejoindre son épouse. Il devient donc intérimaire dans des usines, faisant les 3/8 dans une conserverie, ou encore un abattoir.
« A la ligne » est un titre jeu de mots, puisqu’il fait référence non seulement aux lignes de production sur lesquelles Joseph Ponthus travaille, mais aussi à la forme particulière du récit, puisque l’auteur écrit en vers libres, en revenant donc à la ligne à la fin de chaque phrase. Au début, j’étais dubitative puisque le procédé avait déjà été utilisé il y a quelques années par David Foenkinos pour « Charlotte », mais j’ai finalement trouvé que ce format était vraiment approprié tant aux réflexions de l’auteur qu’au contexte du récit.
J’ai bien été accrochée par ce livre, que j’ai lu très rapidement – il faut dire que ces phrases courtes donnent un bon rythme au récit, le texte est très fluide, coule tout seul.Je m’attendais à une réflexion politique, une dénonciation du capitalisme, mais ce n’est finalement pas un pamphlet ou un ouvrage sociologique. L’auteur ne s’est pas fait embaucher à l’usine dans une démarche intellectuelle, comme dans les années 60 (cf « L’Etabli » de Robert Linhart), c’est un travail alimentaire qui lui permet de vivre dans la région où se trouve son épouse, dont il semble très amoureux, d’où une forme de choix de vie et donc d’acceptation. Il fait une photographie de sa vie quotidienne actuelle, sans plainte (les conditions de travail sont pourtant dures) ou notion de déclassement (son emploi est en décalage avec ses études et ses références culturelles), mais avec quand même ses ressentis et ses émotions.
Pourtant, à travers son expérience, Joseph Ponthus met en avant la précarité de son travail, et la façon dont l’interim désorganise la vie familiale, met à mal le sommeil des ouvriers avec des horaires décalés, mais aussi avec des horaires qui changent au dernier moment. (L’auteur évoque par exemple un coup de fil de l’agence qui lui demande de se présenter à l’usine deux heures plus tôt, ce qui ruine son covoiturage avec son collègue, et l’oblige à prendre un taxi dont le coût le fait quasiment travailler à perte)
Beaucoup de sujets sont abordés, sans être vraiment fouillés, ce qui m’a parfois un peu laissée sur ma faim. Il n’empêche que Joseph Ponthus est très habile pour faire des descriptions très fortes en peu de mots : la nuit, le bruit, les odeurs, le sang, d’autant plus que les lieux de travail ne sont pas anodins : usine de poisson, abattoir … le travail cloisonné et minuté qui laisse peu de temps pour faire connaissance avec ses collègues, mais aussi la camaraderie clope/café, l’agacement lorsque les collègues ne font pas leur part du travail, l’importance folle de la pause – pourtant stressante dans son côté minuté…
Et disons-le clairement : il est rare qu’un livre évoque le monde ouvrier, les sites industriels (dans mes lectures récentes, il n’y a qu’« Aux animaux la guerre » qui me vienne à l’esprit), et le témoignage de Joseph Ponthus en est d’autant plus intéressant, notamment quand on vit à Paris et qu’on travaille dans un bureau…
Un livre à découvrir, et un auteur à suivre !
Publié en Janvier 2019 aux éditions de la Table Ronde, 272 pages.
Retrouvez ce livre dans l’émission d’Octobre 2019 de notre podcast littéraire Bibliomaniacs ici.
30e lecture de la Rentrée Littéraire de Janvier 2019.
Bonsoir Eva, je m’y suis reprise à deux fois pour commencer ce livre et la deuxième fois fut la bonne: j’ai aimé le style et la manière dont il raconte ses expériences. Un très bon livre mais qui n’a pas fait l’unanimité pour lui. Bonne soirée.
parfois le timing n’est pas le bon, je suis contente que la 2e fois ait été la bonne ! Bonne journée Dasola.
J’entends du bien et son contraire sur ce roman. Reste à voir si, finalement, je me laisserai tenter. À te lire, je devrais!
il se lit vite, pas trop de risque !
J’ai adoré, c’est un livre qui m’a beaucoup parlé.
C’est drôlement intéressant, et comme tu le dis , ça parle, et de l’intérieur, d’une catégorie de citoyens totalement sous représentés dans la litterature ! Rien que pour ça… Beaucoup aimé, forme et fond
une belle découverte, en effet !