J’avais lu « Play Boy » de Constance Debré à sa sortie (même si je l’ai chroniqué seulement récemment) et malgré l’écriture qui m’avait plu, mon impression avait été mitigée, j’avais trouvé que l’autrice se cachait derrière la provocation et privilégiait l’attitude à l’histoire. Pourtant, quelques avis très positifs m’ont convaincue de lire tout de même « Love Me Tender » et j’ai bien fait car j’ai beaucoup aimé ce deuxième livre.
« Love Me Tender » est un récit qui m’a touchée. J’ai apprécié la pertinence de Constance Debré, son esprit d’analyse, son écriture certes sèche mais qui dit beaucoup en peu de mots, et ce qui se dégage de ce texte. L’autrice est dans une démarche minimaliste, radicale. Comme elle le racontait dans « Play Boy », sa vie a complètement changé : elle était mariée, elle s’est séparée ; elle était hétérosexuelle, elle est devenu homosexuelle ; elle vivait dans un cadre bourgeois, elle habite désormais dans une chambre de bonne ; elle était avocate, elle ne travaille plus et se consacre à l’écriture tout en menant une vie quasiment monacale – à l’exception près de ses conquêtes. En sus, suite à un conflit avec son ex-mari, elle n’a plus la garde de son fils Paul, et ne peut le voir que dans une structure de médiation, quand il y a un créneau disponible, quand son ex-mari accepte, quand son fils le souhaite… c’est à dire pas souvent. De mère de famille, elle se retrouve donc quasiment sans enfant.
Et le détachement matériel s’accompagne d’un détachement affectif – qui semble quand même être parfois une posture. Mais, et je comprends que ce côté puisse heurter, on sent que d’une certaine façon, ne plus avoir la garde de son fils est vu comme une libération : l’autrice rajeunit, n’a plus de contraintes d’emploi du temps ou d’habitat. Et en même temps, beaucoup de tristesse, de souffrance se dégagent de ce livre. J’ai aimé les mots que l’autrice pose sur la maternité, sa lucidité, mais aussi l’amour avec lequel elle les dit.
J’ai aussi apprécié la trajectoire que Constance Debré nous raconte : il y a un véritable travail de deuil dans ce livre, l’autrice semble au début anesthésiée par la perte de la garde de son fils, et passe par une frénésie de rencontres qui ont l’air de lui faire ni chaud ni froid. Et puis, il y a une sorte de renaissance, d’apaisement : il y a de nouveau des sentiments, une certaine stabilité, une ouverture aux autres.
L’autrice n’est pas conventionnelle, elle n’essaye pas de plaire, d’être sympathique, elle se propose comme elle est, et ça passe ou ça casse. Avec moi c’est passé : « Love Me Tender » est un récit riche, Constance Debré évoque les schémas familiaux, la justice qui s’immisce dans l’intimité des familles, le genre, le corps, la maternité…et le résultat bouscule, mais m’a beaucoup plu.
Publié en Janvier 2020 chez Flammarion, 187 pages.
22e lecture de la Rentrée Littéraire de Janvier 2020.
Tu me donnes envie de découvrir cette auteur
Merci pour ton billet à plus Eva
ça me fait plaisir ! merci pour ce commentaire.
j’hésite, pas vraiment attirée par les thèmes mais sûrement par ce que tu dis du style de l’autrice…
il vaut vraiment le coup… et il se lit vite !
Ce livre m’a laissée très perplexe.
En fait, l’homosexualité, la maternité, la liberté, me semblent être des thèmes accessoires.
Il s’agit plutôt d’une tranche de vie d’une femme psychopathe ou tout du moins sociopathe.
Larguer ses conquêtes par sms et s’en venter, utiliser les gens comme des choses, larguer son boulot,aucun compte à rendre à personne, se délecter de la corrida,même son fils, on a l’impression qu’elle ne peut arriver à l’aimer.
Pas de scrupule, jamais d’excuse,peu d’affect, peu d’émotion, pas de lien.
Sous des discours ambigus, avec cette manière de dire tout et son contraire, comme pour justifier l’injustifiable.