J’aime beaucoup les récits d’investigation et les « true crimes » – j’ai par exemple beaucoup apprécié « La Note Américaine » de David Grann, « La Serpe » de Philippe Jaenada ou encore « Addict » de James Renner – et j’ai repéré chez Electra « Dévorer les Ténèbres » de Richard Lloyd Parry, que je me suis empressée de lire dans le cadre du Mois Anglais dès que j’ai compris que l’auteur était anglais !
En 2000, Lucie Blackman est une jeune femme anglaise de vingt-et-un ans qui ne sait pas trop quoi faire de sa vie en Angleterre et qui a besoin de gagner de l’argent pour rembourser ses dettes. Sa meilleure amie Louise lui propose alors de partir avec elle au Japon pour devenir hôtesse dans des bars. Les deux Anglaises connaissent des débuts difficiles à Tokyo : elles logent dans un taudis et elles arrivent à peine à couvrir leurs frais tant la vie sur place est très chère. Mais petit à petit, leur situation s’améliore : malgré leur visa de touriste qui ne leur permet en principe pas de travailler, chacune trouve un job d’hôtesse dans un bar du quartier de Roppongi. Il ne s’agit pas ici de prostitution, mais d’être payée pour discuter en anglais avec des hommes d’affaire qui viennent se détendre après le travail, chanter au karaoké avec eux et les faire boire. Les habitués les payent également grassement pour des « dohan », des dîners à l’extérieur du bar.La vie sentimentale de Lucie est aussi au beau fixe puisqu’elle trouve l’amour en la personne de Scott, un jeune soldat américain.
Tout va donc pour le mieux pour Lucie lorsqu’elle se rend un samedi à un dohan avec un client qui lui a promis de lui offrir un téléphone portable. Elle est censée rejoindre Louise pour la soirée, mais ne lui donne plus de nouvelles dans l’après-midi et ne rentre pas le soir, ce qui affole sa meilleure amie. L’inquiétude est à son comble lorsque celle-ci reçoit en outre un appel d’un Japonais parlant très bien anglais qui lui annonce que Lucie a décidé de rejoindre une secte pour se ressourcer, ce qui est absolument inenvisageable.
Louise s’adresse à la police japonaise, mais celle-ci ne semble pas vraiment la prendre au sérieux et l’enquête est lente à démarrer. Le père de Lucie et sa sœur Sophie la rejoignent alors au Japon afin de faire pression sur les autorités pour que Lucie soit recherchée …
Richard Lloyd Parry est un journaliste anglais vivant au Japon depuis 1995, et qui était donc sur place au moment de l’affaire. Il retrace dans « Dévorer les Ténèbres » l’enquête sur la disparition de Lucie, puis le procès qui s’ensuivra. Ce récit m’a passionnée. Le sujet est très intelligemment traité par Richard Lloyd Parry qui prend le temps de vraiment poser les personnages et le contexte. On passe beaucoup de temps avec Lucie, que l’on apprend à connaître, mais aussi avec sa famille et notamment ses parents, Tim et Jane, qui se détestent depuis leur divorce houleux, et qui vont réagir de façon très différente au drame qui les frappe.
Le récit de Richard Lloyd Parry nous embarque dans les quartiers chauds de Tokyo, et dans la complexité de ce qu’on appelle au Japon le « mizu shobai », le « marché de l’eau », c’est-à-dire le système des bars à hôtesses. L’enquête permet aussi d’aborder le sujet de la police, qui a été mis en cause dans le traitement de la disparition de Lucie Blackman : en effet, la police japonaise n’avait pas pris au sérieux les plaintes précédentes de jeunes femmes, elles aussi hôtesses occidentales, victimes d’un client japonais se dissimulant sous une fausse identité. Elle a également perdu un temps significatif dans l’affaire car le taux de criminalité au Japon est très bas, et la police n’a donc pas beaucoup d’expérience dans les enquêtes sur des kidnappings et des meurtres. (d’ailleurs, Richard Lloyd Parry remarque que les Occidentaux se méfient beaucoup moins au Japon que dans leur pays d’origine, car le pays du Soleil Levant est considéré comme l’un des plus sûrs au monde) Le système judiciaire est aussi très différent de celui qu’on peut connaître de manière générale en Occident, et ce livre apporte un éclairage édifiant sur son fonctionnement. Et « Dévorer les Ténèbres », décidément très riche, aborde également le thème de la minorité coréenne au Japon…
« Dévorer les Ténèbres » est un récit que j’ai lu d’une traite, tant il m’a tenue en haleine : l’enquête est passionnante, mais aussi instructive, car l’auteur réussit vraiment à la contextualiser dans ce pays encore très mystérieux pour les Occidentaux qu’est le Japon. Une excellente découverte !
Publié en Février 2020 chez Sonatine, traduit par Paul Simon Bouffartigue, 528 pages.
42e lecture de la Rentrée Littéraire de Janvier 2020.
Punaise…je veux savoir la fin…punaise, toute une sacre enquete…;)
haha tu es à fond!
Bon alors maintenant j’ai très envie de le lire…
ahhh j’espère !
très tentant, vraiment… Dommage que je ne l’aie pas sous la main !
en médiathèque peut-être?