Derrière le titre biblique du « Livre de Daniel », le journaliste Chris de Stoop évoque le fait divers qui a touché sa famille de plein fouet.
Son oncle Daniel Maroy habitait dans un petit village belge, proche de la frontière avec la France. Cet octogénaire vivait seul dans la ferme familiale depuis la mort de ses parents puis de son frère. Âgé, dur à la tâche, solitaire, il était un peu l’archétype du vieux garçon ermite, comme il y en a dans de nombreux villages, vivant comme il y a cinquante ans, tranquille, hors du progrès, sans histoire (à part celle d’une demande en mariage rocambolesque) ayant comme seule activité sociale les courses hebdomadaires où il dépensait son argent liquide au supermarché local.
Seulement voilà, un soir de 2014, une bande de jeunes, certains du village, d’autres de la banlieue de Roubaix, décide de cambrioler cet homme âgé, attirés par la perspective de liasses de billet rangés non pas à la banque mais dans le buffet. L’affaire tourne mal et Daniel, attaqué à coup de pioche, est laissé pour mort, et sa ferme sera incendiée une semaine plus tard, pour effacer les traces du méfait.
Son agonie ayant été filmée et diffusée, et les assaillants ayant dépensé l’argent de manière ostentatoire, ils seront rapidement arrêtés.
Chris de Stoop se porte partie civile et retrace l’affaire dans ce livre. Il comprend vite que la vie de son oncle, surnommé « le vieux crasseux » comptait peu. Ni pour les délinquants, qui avaient totalement déshumanisé le vieil homme, ni pour le village, qui l’avait marginalisé et qui ne s’est pas inquiété de son absence. C’est tout juste s’il n’était pas considéré responsable de sa propre mort, puisqu’il avait décidé de vivre en-dehors de la société.
Mais Chris de Stoop s’intéresse aussi aux meurtriers, cette bande de jeunes banals, certains leaders, d’autres sous emprise, qui cumulent petite délinquance, manque de structure parentale, perte de valeurs, obsession de la société de consommation… ceci jusqu’au procès, tenu cinq ans après les faits, une durée énorme pour des inculpés aussi jeunes, qui ont pour la plupart complètement changé de vie depuis.
Un crime gratuit, qui reflète la bêtise, le vide, la violence d’une société du tout, tout de suite, et surtout sans efforts … à l’opposé de l’homme simple, traditionnel, travailleur, qu’était Daniel Maroy. L’auteur, en retraçant cette affaire criminelle, rend un bel hommage à son oncle, un homme qui ne méritait aucunement sa fin tragique et le mépris avec lequel il a été traité.
Entre un très beau livre, émouvant, aux éditions Globe dont je suis friande
Publié en Mai 2023 chez Globe, traduit par Anne-Laure Vignaux, 288 pages.
Ça va Eva ?