Roman de Sylvain Pattieu que j’ai découvert dans le cadre du Prix Orange, « Une vie qui se cabre » est une uchronie. En effet, l’auteur imagine que non seulement la loi Lamine Gueye de 1946 a été appliquée, donnant à tous les citoyens de l’Empire la nationalité française, mais aussi qu’une « Union française » a été mise en place, rassemblant en mode égalitaire la France métropolitaine et ses anciennes colonies, présidée par Aimé Césaire puis sa veuve Suzanne Césaire.
Dans ce contexte, il nous raconte l’histoire de Marie-des-neiges, une jeune mère célibataire qui quitte le Sénégal pour étudier à Aix-en-Provence dans les années 60. Là, elle va rencontrer des camarades issus d’horizons très différents – Kathy, une jeune Américaine ; Ange, un malfrat corse ; Lakhdar, qui vient d’Algérie…- et être confrontée à des tensions et des violences politiques tout en entretenant des relations amicales et amoureuses.
J’ai trouvé ce roman très bien écrit. Sylvain Pattieu a mis en place un contexte historique extrêmement intéressant et un personnage principal vraiment très bien incarné et attachant. Le récit donne l’opportunité de mettre en avant de grandes voix : Maryse Condé (qui est le professeur de Marie-des-neiges), Aimé et Suzanne Césaire, Frantz Fanon, Claude McKay…
J’ai parfois regretté que l’auteur, animé par le besoin de nous montrer un panorama large des revendications politiques et des relations entre les personnages, introduise des protagonistes qui frôlent parfois le cliché en termes d’origine, de religion, d’orientation sexuelle variées…L’idée de l’Union Française est formidable et j’aurais souhaité que l’auteur développe plus ses principes, ses modalités, j’ai trouvé que l’on restait trop au niveau du contexte historique et que cet univers aurait mérité plus d’ampleur, ce qui aurait consolidé le roman d’apprentissage et ce beau portrait d’une personne qui souhaite trouver sa voie, personnelle et professionnelle, en tant que femme, noire, indépendante et forte, qui se libère du poids de la religion, de la famille, de la société, du racisme…
Une belle découverte!
Publié en Janvier 2024 chez Flammarion, 348 pages.