Antoine Bello est un auteur que j’aime beaucoup, notamment pour sa trilogie des Falsificateurs. J’ai moins accroché à « Éloge de la pièce manquante » tout en appréciant le travail et l’imagination de l’écrivain, mais j’ai été déçue l’an dernier par « Ada ». J’étais donc curieuse de lire son nouveau roman « L’homme qui s’envola », en espérant qu’il me réconcilierait avec l’auteur!
Walker est un homme d’une quarantaine d’années qui a tout pour être heureux. Il dirige une florissante entreprise de transport au Nouveau-Mexique, est marié avec la belle Sarah et a trois enfants. Mais Walker ne supporte plus sa vie et le stress qui en découle. Entre l’entreprise, la vie de famille, les différents rendez-vous, les mondanités, il n’a pas la maîtrise de son emploi du temps, n’a pas une minute à lui et a l’impression d’étouffer. Il envisage différentes solutions pour mener une vie plus simple et plus conforme à ses désirs, mais aucune n’est satisfaisante. Il décide alors de prendre la fuite et de se faire passer pour mort, en faisant croire qu’il est décédé dans l’accident de son avion personnel. Mais la compagnie d’assurances, avant de verser la prime, veut s’assurer qu’il n’y a pas de fraude, et met sur le dossier un enquêteur chevronné, Nick Shepherd, spécialisé dans la recherche de personnes disparues volontairement. Très vite, Shepherd a des doutes sur la réalité de la mort de Walker et tente de retrouver sa trace. Mais Walker n’a pas dit son dernier mot, et la chasse à l’homme commence…
La disparition et le changement de vie sont des fantasmes courants, et des sujets assez fascinants à traiter en littérature (il faudrait d’ailleurs que je relise « Quelqu’un d’autre » de Tonino Benacquista), et nul doute qu’Antoine Bello s’est inspiré de sa propre vie de chef d’entreprise/romancier/père de famille et de certaines idées qui ont dû lui passer par la tête lors de journées saturées pour écrire ce livre. Les descriptions du tourbillon dans lequel est entraîné Walker malgré lui, de son sentiment d’être sous cloche, de son envie pressante de mettre enfin sur pause, sont en effet très réussies. Et si je devais trouver un qualificatif pour « L’homme qui s’envola », ce serait : efficace. J’ai été entraînée dans cette histoire et suis restée accrochée jusqu’à la fin, entre une certaine empathie pour Walker qui, malgré une décision très discutable ( abandonner sa femme et ses trois enfants et se faire passer pour mort n’est pas très glorieux…) reste un personnage attachant – ou du moins, tout est fait pour qu’on ne lui tienne pas rigueur de sa décision car dès le début du roman, il est présenté comme un être supérieur, un « faiseur », que le reste du monde, lent, hésitant, retarde et empêche de vivre, même sa femme et ses enfants-, et le suspense du duel Walker-Shepherd.
Tout est bien calibré, tout est bien huilé, la mécanique fonctionne. J’imagine d’ailleurs bien ce livre très orienté best-seller américain être adapté au cinéma, avec un casting de choc pour Walker, Sarah et Shepherd. C’est un roman distrayant, qui mélange des ingrédients bien choisis et bien dosés pour que l’on passe un bon moment : burn-out, machination, suspense, duel, trio amoureux…Les personnage sont tout de même assez clichés : Walker le golden boy qui ne supporte plus sa vie, Sarah la femme belle et courageuse trahie par son mari, Shepherd le vieux loup solitaire au coeur tendre… Pour être tout à fait honnête, j’ai eu l’impression d’avoir en main un bon produit marketing, un puzzle bien arrangé pour chacun puisse y trouver son compte. Alors, je ne boude pas mon plaisir de lecture, « L’homme qui s’envola » m’a fait passer un bon moment, et c’est déjà ça, mais je suis nostalgique de la richesse des Falsificateurs, de la complexité d' »Eloge de la pièce manquante », des livres dont les univers respectifs m’avaient impressionnée. « L’homme qui s’envola » est sans doute malin, mais il n’est pas épatant, j’en attendais plus de la part d’Antoine Bello.
Publié en Mai 2017 chez Gallimard, 320 pages.
2e participation au Mois Américain 2017 organisé par Titine.
Distrayant, c’est ça ! On est effectivement loin des Falsificateurs, mais d’après ce que j’ai lu sur je ne sais plus quel blog, l’auteur n’avait pas la même ambition avec ce roman.
je l’ai lu en été, ça correspondait bien à mon état d’esprit, heureusement!
La prémisse est plus que tentante. Moi, les envies de nouveaux départs, ça me passionne toujours. Mais tes bémols me refroidissent d’aplomb. Au point que je vais passer mon chemin. Par contre, tu me donnes envie de lire « Quelqu’un d’autre » de Tonino Benacquista!
je viens de finir un livre (« Addict » de James Renner) sur une vraie enquête (pas de la fiction, donc) sur une jeune femme qui s’est volatilisée sur une route de campagne…les enquêteurs ont pensé à un enlèvement, mais en perquisitionnant son appartement, ils ont vu qu’elle avait tout préparé pour déménager et se sont rendus compte qu’elle avait dit à son entourage qu’elle partait pour 8jours à cause d’un décès dans sa famille, alors que ce n’était pas vrai – une des théories est qu’elle a changé de vie et d’identité…c’était passionnant
Bah, c’est bien fichu, et même si on ne grimpe pas aux murs, on ne le lâche pas. Mon préféré demeure Roman américain.
Et puis Bello ne fait pas dans l’autofiction misérabiliste, il a des idées et se renouvelle, rien que pour ça on lui dit merci! ^_^
ah je n’ai pas encore lu Roman Américain! hmmm autofiction misérabiliste, tu penses à Reinhardt?
cela me fait penser quand meme a beaucoup de films…de livres….cela reste un deja-vu….mais tres efficace alors didonc…
j’avais un peu l’impression de lire un bon gros best-seller à l’américaine, genre Tom Clancy, ou de voir le blockbuster américain bien calibré…
Pas le grand enthousiasme, donc… J’avoue que c’est un sujet qui revient me hanter depuis que lorsque j’etais ado quelqu’un que je connaissais assez bien a ainsi disparu… Cela m’avait paru insensé à l’époque. Mais j’avoue que depuis, même si ca ne me paraît pas être une solution, je comprends mieux ce qu’il a pu vivre… si toutefois il s’agissait bien d’une disparition volontaire…
ça doit être très perturbant quand c’est quelqu’un que tu connais…ne pas savoir si c’est une disparition accidentelle, criminelle ou volontaire doit être abominable pour les proches, comment faire son deuil dans ce cas?
Comme je l’écrivais à Marie-Claude, j’ai lu un livre ce we sur une disparition mystérieuse (une histoire vraie) où l’on ne sait pas si la jeune femme a changé de vie/ a été tuée/ a été tuée alors qu’elle était en train de s’enfuir pour changer de vie…
Oui, c’est terrible pour les gens qui reste. Et je pense en particulier à ses enfants. Je crois qu’il faut atteindre une sacrée dose de désespoir pour pouvoir passer outre la douleur qu’on peut ainsi leur causer (et plus que la douleur, le sentiment d’incompréhension et de culpabilité…)
j’ai lu quelques articles après coup, sur des gens qui avaient disparu volontairement. La plupart avaient subi une dépression/un burn out, et la disparition avait été ‘improvisée’ (être dans une gare, et sauter dans un train; prendre sa voiture et traverser la France…) Dans ce livre, tout est minutieusement préparé pendant des semaines, voire des mois, comme pour quelqu’un qui voudrait échapper à la justice ou à des représailles…
Je passe mon chemin également. Sans doute parce que j’ai eu ce cas (cousin de cousins..). La mère a disparu, abandonnant son mari et ses deux petits garçons pour refaire sa vie dans le Sud de la France. Ella a réapparu quand les garçons avaient 20 ans. Je connaissais le père. Je ne comprends pas cette attitude et je n’éprouve aucune compassion pour ces personnes qui détruisent leur famille en partant. Ils ne s’en sont jamais remis. Une double trahison (elle avait refait sa vie et eu un autre enfant) pour eux. Je plombe l’ambiance ! Il s’agit d’un roman inspiré de nombreux faits divers, mais qui sont beaucoup plus sombres (pourquoi je pense à Duris au Japon ?)
Duris au Japon? je ne vois pas quelle affaire tu évoques?
ça a dû être terrible pour tes cousins… savaient-ils que la mère avait disparu volontairement? car dans le cas d’une femme, en plus mère de famille, qui disparaît, on pense plutôt à une mauvaise rencontre et à un kidnapping/assassinat…
Non, elle a pris ses affaires (juste son sac à main) et disparu sans laisser de trace pendant 11 ou 12 ans ! Donc, ils ont imaginé le pire – ils sont passés par tous les stades .. et l’ont crue morte et elle, de son côté, s’était installée tranquillement dans le Sud de la France, et refaisait sa vie avec un autre type (et un nouveau gamin….) sans se soucier d’eux …d’où ma difficulté à ressentir de la sympathie pour ces personnes 😉
Pour Romain Duris, il a joué le rôle d’un type qui fuit au Japon, mais je ne me souviens plus du titre, je pense qu’il s’agissait d’une histoire de disparition volontaire (il tuait son ex?)
ah oui pour Romain Duris, c’est l’adaptation du roman de Douglas Kennedy, non? « L’homme qui voulait vivre sa vie »?
c’est affreux cette histoire de disparition, du pur égoïsme 🙁 🙁
Bonjour Eva, mon billet sur ce roman paraîtra demain. Dans l’ensemble, je suis assez d’accord sur ce que tu écris: distrayant mais un peu paresseux et il faut dire que les personnages sont tous (trop) sympathiques. Bonne après-midi.
Bonjour Dasola, j’irai lire ton billet dès qu’il sera en ligne!
Eh bien moi qui comptais découvrir l’auteur avec ce titre … Cela étant, n’ayant rien lu de l’auteur auparavant il se peut que je trouve ça excellent alors…
je suis sûre que tu passeras un bon moment! mais je te conseille plutôt la trilogie des Falsificateurs, que je trouve bien meilleure!
J’ai moi aussi bien aimé ce roman qui est « bien huilé », je suis d’accord avec toi. J’ai juste regretté que l’épilogue manque de recherche et de surprise. Le reste fonctionne : les personnages sont profonds, l’histoire nous intrigue, la construction est intéressante… on tourne les pages et on a hâte de connaître l’issue ! (mon avis ici d’ailleurs : https://pamolico.wordpress.com/2019/05/07/un-vrai-page-turner-lhomme-qui-senvola-antoine-bello/)