Une journée au Festival America 2018

Tous les deux ans se tient à Vincennes le Festival America, festival des littératures d’Amérique du Nord. Ayant beaucoup apprécié ma première expérience en 2016, j’y suis retournée avec grand plaisir cette année. L’affiche était, comme d’habitude, prestigieuse mais c’était aussi l’occasion de rencontrer ou de revoir de nombreux blogueurs venus des quatre coins de la France…voire même du Québec !

J’avais prévu de passer deux jours au Festival, mais je n’ai pu finalement m’y rendre que le Samedi. J’ai récupéré mon pass avec Amandine, je suis passée rapidement à l’exposition photo sur « Standing Rock », puis la journée a très bien commencé avec un petit déjeuner organisé par Léa du Picabo River Book Club (qui m’a remis mon badge!) et Albin Michel – Terres d’Amérique en compagnie de Dan Chaon, l’auteur d’« Une douce lueur de malveillance » et de Kevin Hardcastle, auteur de « Dans la cage ». J’ai donc eu le plaisir de revoir Céline  ou de rencontrer « en vrai » des personnes que je ne connaissais pour l’instant que virtuellement! (Christelle – Dealer de Lignes, Manonlitaussi, Jiemdé …) La rencontre était animée par Carol Menville des éditions Albin Michel, qui assurait également la traduction : elle a réussi avec brio à bien équilibrer cette rencontre avec deux auteurs, ce qui n’était pas forcément évident car Kevin Hardcastle est un primo-romancier alors que Dan Chaon est un auteur confirmé dont le dernier roman a de plus beaucoup plu.

Les deux auteurs, qui avaient l’air de très bien s’entendre, ont plusieurs points communs : leurs romans sont très sombres et mettent en scène des personnages qui cherchent à échapper à leur condition. Dan Chaon est né dans le Nebraska et a été confronté aux différences de milieu social lorsqu’il a intégré l’université. Quant à Kevin Hardcastle, ses parents étaient britanniques et ont quitté l’Angleterre thatchérienne dans l’espoir d’une vie meilleure au Canada, même s’ils se sont installés dans une ville frappée de plein fouet par la crise économique : ses frères et lui étaient les premiers membres de leur famille à aller à l’université. Il y a eu bien sûr des questions sur leur manière d’écrire : alors que Kevin Hardcastle qui, comme son héros, est passionné d’arts martiaux mixtes, avait la structure du roman en tête, Dan Chaon n’avait pas de plan et s’est laissé guider par le récit et les personnages, changeant d’ailleurs d’avis à leur sujet au fur et à mesure que l’histoire avançait. « Une douce lueur de malveillance » lui a été inspiré par des faits divers pour le quadruple meurtre mais aussi par une histoire que son beau-frère lui avait raconté : de jeunes hommes s’étaient noyés et tout le monde pensait qu’ils avaient été victimes d’un serial killer – l’auteur avait vraiment envie d’écrire sur les légendes urbaines et comment elles structurent notre culture. L’intrigue est très déstructurée et la traduction n’a pas dû être un travail facile! Hélène Fournier, la traductrice, nous a d’ailleurs rejoints – juste après que Dan Chaon lui a rendu hommage. Une très belle rencontre, avec deux auteurs aussi intéressants que sympathiques !

Puis, je me suis rendue au salon du livre du Festival, où j’ai fait dédicacer mon exemplaire de « Rivière Tremblante », reçu la veille au soir dans le cadre du Prix ELLE, par Andrée A. Michaud ( l’auteure de « Bondrée »). J’ai ensuite vu Nathan Hill, à qui j’ai dit que nous avions beaucoup apprécié « Les Fantômes du Vieux Pays » chez les Bibliomaniacs ! Petit couac d’organisation : les livres que nous apportons avec nous ne sont pas marqués à l’entrée – alors que par exemple, au Salon Fnac Livres, les vigiles apposent des gommettes sur nos ouvrages. Le libraire du stand où Nathan Hill se trouvait m’a couru après en me demandant d’aller payer le livre dédicacé…Heureusement, il m’a cru sans difficulté quand je lui ai dit que c’était le mien (et j’aurais pu lui montrer mon article de blog d’il y a un an) mais c’était embarrassant et pour lui et pour moi… Je suis ensuite passée devant le stand d’Hernan Diaz, mais malheureusement mon exemplaire d’« Au Loin », gagné dans le cadre des Matchs de la Rentrée Littéraire de Rakuten, n’était pas encore arrivé – je l’ai récupéré le soir-même! – et je n’ai donc pas pu le faire dédicacer à quelques heures près!

J’ai ensuite retrouvé Electra et Marie-Claude (Hop sous la couette) qui avait très envie de faire dédicacer son exemplaire de « Moi ce que j’aime, c’est les monstres » ramené spécialement du Québec…Mais la file devant Emil Ferris était très longue, et elle ne pouvait pas attendre : étant moi-même intéressée par ce roman graphique surprenant, j’en ai acheté un exemplaire et j’ai donc fait la queue pour deux…pendant 1h10! Heureusement, j’ai discuté avec la personne derrière moi – la dernière personne acceptée pour cette séance de dédicace! –  un passionné de littérature, ancien blogueur (j’espère bien connaître un jour le nom de son blog…) donc le temps a passé vite. Avec Emil Ferris, nous avons parlé prénoms, du mien et de son étymologie, et du sien, qui est son vrai prénom bien que ce soit un prénom masculin, ce qui m’a fait penser au prénom de naissance d’Ann Rice : Howard!

 

J’ai ensuite rejoint Electra, Marie-Claude et Sonia pour un déjeuner avec Antonin Varenne, dans le cadre de la sortie de son nouveau livre, « La Toile du Monde ». Ce n’est pas forcément évident de rencontrer des lecteurs à un déjeuner : le lieu est bruyant, la dizaine d’ interlocuteurs sont assis tout autour d’une table rectangulaire, donc c’est compliqué de se voir et de s’entendre, mais Antonin Varenne, qui était accompagné par sa femme Abbey, s’en est très bien sorti. On a bien sûr parlé de son nouveau roman, qui se situe à Paris en 1900 au moment de l’Exposition Universelle. C’était le premier livre de l’auteur que je lisais, et je ne savais donc pas que c’était le troisième tome d’une trilogie : le personnage principal, Aileen Bowman, est la fille d’Arthur Bowman et de sa femme Alexandra qui étaient présents dans les précédents opus. Antonin Varenne ne prétend pas être historien, il peut donc y avoir des anachronismes dans ses romans, par exemple des anachronismes psychologiques : une femme de trente-cinq ans en 1900 agissait-elle et parlait-elle comme Aileen? Il n’en est pas sûr. Ce qui l’intéressait était de placer cette histoire à un tournant, l’entrée dans le XXe siècle et la technologie, tout comme « Trois mille chevaux vapeur » se déroulait durant la révolution industrielle. D’ailleurs, sa première idée de contexte était la construction du métro de Paris et l’Exposition Universelle n’est venue qu’après, quand il a découvert que le métro avait justement été inauguré durant ce grand événement.

 

Le personnage d’Aileen a suscité beaucoup de remarques et de questions : elle est bien intrigante cette jeune femme, journaliste, portant le pantalon et ayant une sexualité libre et sans tabou! Mais la conversation n’a pas été focalisée sur le livre, Antonin Varenne a également évoqué sa rencontre avec sa femme, alors qu’ils étaient tous deux travailleurs illégaux au Mexique (!), sa façon d’écrire, enfermé dans son bureau avec la même musique en boucle, « The Money Train », de la BO de « The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford » par Nick Cave et Warren Ellis, ses débuts en littérature, avec un manuscrit de polar que ses parents avaient transmis à Paul Otchakovsky-Laurens, le patron des éditions POL, via son frère qui était un copain de bar du père d’Antonin, ses lectures – plutôt de la non-fiction – et notamment son dernier coup de coeur, « La Métallo » de Catherine Ecole-Boivin, qui sort bientôt chez Albin Michel, et qu’il nous a tous donné envie de lire ! Un auteur avenant, ouvert, chaleureux avec qui j’ai passé un excellent moment !

J’ai ensuite assisté à une conférence, « De la nature et des hommes » avec Richard Powers, Claire Vaye Watkins et Jean Hegland…j’avais gardé d’excellents souvenirs des conférences de l’an dernier, mais j’avoue que j’ai failli m’endormir durant celle-ci…je ne peux pas dire que c’était inintéressant, mais j’ai trouvé ça très plat, il y avait peu d’échanges entre les trois auteurs, et cela manquait d’interaction et de dynamisme…J’avoue que j’ai poussé un soupir de soulagement quand la conférence s’est terminée et que j’ai pu sortir de l’auditorium…

J’ai retrouvé Coralie, ma camarade de choc de Bibliomaniacs, qui avait un très beau cadeau pour moi : le tote bag « Le Monde selon Garp » avec le livre assorti…dédicacé par John Irving himself! Pour la petite histoire, en raison du nombre de gens présents à la séance de dédicaces vendredi soir, on ne pouvait faire dédicacer qu’un seul livre et elle s’est donc sacrifiée et n’a pas fait signer son livre pour faire signer le mien! Merci Coralie ! Nous sommes allées nous faire dédicacer « Dans la Forêt » de Jean Hegland : elle a été très touchée que Coralie lui fasse dédicacer son exemplaire pour sa fille Léonie qui a sept mois (d’où son visage ravi sur la photo!), et quant à moi j’ai le même prénom que l’un des deux personnages principaux du roman !

Puis j’ai acheté un exemplaire de « Middlesex », lu à sa sortie et beaucoup aimé, pour le faire dédicacer par Jeffrey Eugenides, avant d’ENFIN passer trois minutes chrono avec Enna et Léo que je n’avais pas encore réussi à voir ! J’ai ensuite foncé dans le bar où avait lieu l’apéro avec Michael Farris Smith, auteur de « Nulle part sur la terre », organisé par Léa et les éditions Sonatine.

L’auteur est originaire du Mississipi (bien qu’il ne connaisse pas Doug Marlette!), mais il a passé plusieurs années en Europe, et notamment en Suisse, dans le cadre du travail puisqu’il accompagnait une équipe de basket-ball en tournée. Il s’intéresse à la littérature française et notamment à Flaubert et Maupassant (« Une Vie »). On a d’ailleurs discuté des différences de perception quand on lit un roman lorsque l’on est adolescent ou alors adulte. Il a écrit « Nulle part sur la terre » sans plan en tête, il souhaitait juste qu’il se passe rapidement quelque chose, mais aussi se surprendre lui-même avec l’intrigue : il a débuté le roman simplement avec cette image d’une femme marchant au bord d’une route, tenant une enfant par la main. Une image qui ne pouvait que le bouleverser, en tant que père de deux petites filles qui répondent aux noms de Presley et Brooklyn (il avait envie qu’elles portent des noms un peu plus originaux que « Michael Smith », Farris étant son deuxième prénom). L’auteur s’intéresse particulièrement aux inégalités sociales aux Etats-Unis, un sujet sur lequel il est particulièrement sensibilisé par sa femme, qui travaille avec des enfants placés en foyers ou familles d’accueil. « Nulle part sur la terre » est un roman sombre, mais il considère que la fin est quasiment un « happy end », il y a en effet une lumière d’espoir et les protagonistes ne s’en sortent pas si mal, surtout quand on voit leur situation au début du livre ! Son troisième roman, déjà paru aux USA sous le titre « The Fighter », sera publié en France début 2019, et il travaille actuellement sur les relectures de son quatrième roman…

Un immense merci à Léa car c’est grâce à elle si j’ai tant aimé cette journée au Festival ! Et un grand merci également aux éditions Albin Michel (Claire Lajonchère et Carol Menville) et aux éditions Sonatine !

Quelques regrets aussi : n’avoir pas pu me rendre au Festival dimanche, alors que je me faisais une joie de participer à la rencontre avec François Roux pour la sortie de son nouveau roman « Fracking » et n’avoir passé que peu de temps avec mes copines !

Allez, on y retourne en 2020!

  

23 commentaires sur “Une journée au Festival America 2018

    1. oh oui, j’aurais bien voulu venir, mais j’étais complètement patraque samedi soir et j’ai passé le dimanche au lit !
      en tout cas, ça m’aurait vraiment fait plaisir de te rencontrer enfin !

  1. J’y suis allée incognito dimanche, sans pass bien sûr, c’est très fatigant si tu ajoutes le trajet de région, mais j’ai rencontré deux blogueuses et quelques auteurs et j’étais ravie! Quatrième festival america pour moi… Rien acheté! (les deux livres repérés chez electra n’étaient pas là)

    1. Je n’ai finalement assisté qu’à une seule conférence, donc le pass ne m’a pas beaucoup servi…mais rien que le salon du livre vaut vraiment le coup! J’habite à Versailles donc Vincennes n’est pas la porte à côté, j’ai mis environ 1h15 pour m’y rendre, et c’est vrai que samedi soir j’étais lessivée! Contente que malgré la fatigue tu aies apprécié ton 4e Festival 🙂

      1. C’est sûr que Versailles vincennes c’est long! J’ai assisté à plus de 3 débats (j’ai dû partir du dernier, cause train qu’il n’était pas question de rater). En fait je voulais plus, mais j’ai préféré glander dans le salon du livre, papoter, etc.

        1. je préfère le côté plus informel du salon du livre, les discussions avec les auteurs et les autres blogueurs plutôt que le côté plus institutionnalisé des conférences..

  2. C’était super de te retrouver ! même si c’était rapide 🙂
    J’avoue que j’ai apprécié d’y être les trois jours et j’ai trouvé les conférences du dimanche plus intéressantes (je rédige mon billet) sauf celle du samedi soir, mais tu étais déjà partie ! Je me doutais que c’était pas si près de Versailles que ça ,mais c’est long quand même 🙂

    1. oui, heureusement qu’on était au même déjeuner !! peut-être qu’en 2020, je poserai aussi mon vendredi pour y aller plus d’une journée ! je rêve que Versailles ait son propre festival, dans le château, à 2 pas de chez moi 😀

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