Vous savez que j’aime beaucoup Marie-Hélène Lafon, cette auteur professeur de lettres classiques et originaire du Cantal dont j’ai déjà lu « L’Annonce », « Joseph », ou encore « Histoires ». Je ne pouvais donc pas manquer de lire un autre de ses romans : « Les Pays », ou le récit de l’arrivée à Paris de Claire, fille de paysans qui monte à la capitale pour faire ses études.
« Les Pays » est découpé en trois histoires, mettant toutes en scène la relation de Claire avec Paris. Dans la première histoire, Claire, enfant, vient à Paris avec son père et son frère pour visiter le Salon de l’Agriculture. C’est la première confrontation avec Paris, sa circulation qui rend impossible la venue en voiture, et la découverte de la vie en banlieue à travers les membres de la famille chez qui ils logent. Quelques années plus tard, Claire arrive en tant qu’étudiante à la Sorbonne après avoir reçu une bourse. C’est le récit de son apprentissage, sur le plan scolaire, amical ou amoureux, mais aussi le début de cet attachement très fort à Paris qui lui fait vite comprendre que contrairement à la plupart de ses compatriotes qui ont pour but de retourner dans le Cantal après avoir sacrifié quelques années dans la capitale, elle restera et fera sa vie à Paris, même si elle ne renie rien de ses origines. La dernière histoire évoque Claire, quadragénaire, qui reçoit la visite de son père, toujours un peu éberlué que sa fille soit heureuse d’habiter dans la capitale, dans ce petit appartement rempli de livres et sans télé.
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C’est toujours un plaisir de retrouver Marie-Hélène Lafon, avec sa plume élégante, sa maîtrise du verbe, son utilisation précise des mots, sa justesse psychologique. Avec cette auteur j’apprends toujours de nouveaux mots que je m’empresse d’utiliser (cette fois-ci : « peccamineux » et « alacrité »).Claire – qui est d’ailleurs la nièce de Jeanne, le professeur rencontré dans « Histoires » – semble être le double de Marie-Hélène Lafon tant leurs parcours sont similaires. L’histoire n’est pas seulement le récit d’une montée à Paris, mais aussi la confrontation de la ruralité et de l’urbanité, et la fréquentation de mondes différents, de classes sociales beaucoup plus élevées.
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Le rythme est parfois un peu lent, ce qui peut frustrer le lecteur, c’est vrai qu’il y a des passages où j’ai un peu décroché, mais les situations, les sentiments sont tellement justes que cela vaut le coup de s’accrocher pour aller jusqu’au bout du roman. Si j’ai bien aimé la première histoire – la visite au Salon de l’Agriculture – j’ai quand même préféré la partie consacrée aux études à Paris, avec notamment le récit de l’amitié avec une jeune fille de la bourgeoisie qui invite Claire en week end chez ses parents (et où Claire réussit avec brio à se rappeler de toute la généalogie de la famille – un passage qui m’a fait sourire car cela m’a rappelé des souvenirs ! ) et le récit de la rencontre avec le bibliothécaire lui aussi originaire du Cantal et dont toute la conversation est centrée autour des parents et de la vie au pays, alors que Claire, même si elle apprécie ces échanges, sait pertinemment qu’elle ne retournera jamais habiter en Auvergne, même si elle pouvait y obtenir un poste de professeur.
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La dernière histoire, la visite du père, est également très juste et très touchante. Un père qui ne comprend rien à la vie de sa fille, tellement éloignée de la sienne : plus de mari, pas d’enfants, habiter dans un petit appartement, lire au lieu de regarder la télé, aller à des expositions, vivre dans le monde et le bruit… mais qui, bien que déstabilisé et impressionné par la capitale, apprécie malgré lui cette visite chez sa fille.
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« Les Pays », malgré une certaine lenteur, est un ouvrage majeur pour comprendre Marie-Hélène Lafon, son rapport au Cantal et sa relation avec Paris. Une vision très juste de l’arrivée à la capitale d’une jeune provinciale, une approche psychologique fouillée, et une très belle langue font des « Pays » un beau roman d’apprentissage.
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Publié le 6 Septembre 2012 chez Buchet-Chastel, 208 pages, existe en poche chez Folio
Je n'ai encore jamais lu l'auteure mais ce titre là me tente beaucoup.
Ce n'est pas mon préféré de M.H. Lafon mais il est à lire.
Marie-Hélène Lafon est un auteur magnifique, dont les textes, écrits dans une belle langue, sont pleins de finesse, de sensibilité, de profondeur… Vous avez raison de la faire découvrir.
Je précise que, lorsqu'un Auvergnat dit qu'il a rencontré "un pays", c'est qu'il a rencontré quelqu'un …de son pays, donc un autre Auvergnat !! Le bibliothécaire est un "pays" de Claire !
Ce livre se lit agréablement mais mes romans préférés restent JOSEPH et L'ANNONCE -que vous avez déjà chroniqués-
contrairement à toi, j'ai du mal avec cet auteur qui a tendance à m'ennuyer… mais je n'ai pas tout lu d'elle!
@ Violette : le rythme est souvent lent, donc je peux concevoir qu'on la trouve ennuyeuse!
@ Souguite : merci Souguite pour votre lecture attentive de mon blog et votre attachement à MH Lafon. Vous avez raison de préciser la polysémie du mot "pays"…par contre, est-ce un mot uniquement utilisé en Auvergne?
@ Clara: il m'a surtout plu pour le côté autobiographique, qui en dévoile beaucoup -même si c'est tout en pudeur – sur l'auteur
@ Tiphanie : ce n'est pas mon préféré, mais l'aspect "montée à Paris" est très intéressant