Un week-end au Festival America

Après le Forum Fnac Livres le week-end  dernier, c’était ce week-end le tant attendu Festival America ! Ma toute première fois à ce festival de littérature d’Amérique du Nord qui a lieu à Vincennes tous les deux ans.

L’affiche était prestigieuse, et le programme des conférences très alléchant…

Mais un festival littéraire c’est aussi une affaire de rencontres et pas seulement avec les auteurs : c’est un lieu où les blogueurs de toute la France se croisent, se retrouvent voire même se découvrent pour la première fois.

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Photo prise par Delphine

A l’occasion d’un charmant pique-nique organisé par une non moins charmante blogueuse, j’ai donc eu le plaisir de retrouver les déjà bien connues Marjorie, Coralie de Bibliomaniacs, Laure et Mior, de revoir Delphine rencontrée quelques jours auparavant à la remise du Prix du Meilleur Roman des Lecteurs de Points (à son chouchou Michel Moutot pour « Ciel d’Acier »), et de rencontrer pour la première fois Electra, Keisha, Sandrine, Miss Léo, Brize, Papillon, Karine et Aifelle. Un très bon moment, court mais intense, où l’on réalise à quel point l’amour de la littérature peut tisser des liens forts, même virtuellement !

J’ai assisté à deux conférences, toutes les deux très intéressantes :

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« La Nouvelle-Orléans avant et après Katrina » avec Joseph Boyden, Tom Cooper et Bernard Hermann, animé par Francis Gelfard. Une belle conférence, passionnée et passionnante, très bien animée, avec trois artistes charismatiques et intéressants, et de très bonnes traductions. Le photographe français Bernard Hermann connaissait très bien la Nouvelle-Orléans et ses caractéristiques, que ce soit environnementales, culturelles, architecturales ou de population – Joseph Boyden m’a confié plus tard qu’il était épaté par l’étendue de ses connaissances. Des discussions très intéressantes sur le vaudou : pour Bernard Hermann, il n’y a plus vraiment de vaudou à la Nouvelle-Orléans, on en trouve plutôt dans les villes aux grosses communautés haïtiennes comme New York, mais pour Tom Cooper, et son énorme voix (et son étrange coiffure!) il y a quand même un esprit très particulier à la Nouvelle-Orléans, avec une présence de la mort très forte, et souvent plutôt joyeuse. Les invités ont parlé de la corruption qui règne en Louisiane et qui a permis de faire construire des maisons sur des terrains non constructibles donc qui ont facilement été inondés pendant l’ouragan – une ville tellement mal construite qu’un jour une pieuvre est sortie des égouts ! . Joseph Boyden a évoqué l’année très difficile qui a suivi l’ouragan Katrina, où la ville a failli sombrer dans l’anarchie, où le nombre de meurtres était hallucinant, à tel point que les habitants ont organisé une marche de protestation. La Nouvelle-Orléans a également subi une catastrophe écologique avec la marée noire de 2010 (dont parle « Les Maraudeurs »), c’est donc une ville durablement dégradée, où beaucoup de gens ont tout perdu, se sont suicidés. C’est aussi une ville en pleine mutation, avec de nouveaux arrivants pour la reconstruire, qui ne sont ni noirs, ni créoles ni blancs. Malgré les sujets graves évoqués, beaucoup d’humour dans cette conférence, où Boyden nous apprend qu’il a un chihuahua et crie « Don’t listen to Trump, he is an asshole », et nous raconte son premier été en 1992 à la Nouvelle-Orléans, lorsqu’il faisait tellement chaud que sortir de sa maison était comme plonger dans la gueule d’un chien. Quant à Tom Cooper, il a fini la conférence en exhortant l’assemblée à visiter la Nouvelle-Orléans, une ville qui lui manque particulièrement aujourd’hui car c’est l’ouverture de la saison de foot, « Go Saints! » sera son dernier mot.

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« Après la guerre » avec Atticus Lish, Kevin Powers et Willy Vlautin, animée par Bruno Corty. Une conférence à laquelle j’ai assistée avec Laure et Sandrine. Le sujet était le dur retour à la « vie normale » des soldats et Atticus Lish et Kevin Powers étaient bien placés pour y répondre puisque eux-mêmes étaient dans l’armée. Malgré le sujet sérieux, Willy Vlautin m’a fait rire, chaque fois qu’il répondait à une question, il disait qu’il était en train de boire dans un bar, ou qu’à cette époque il vivait dans un casino…Il a l’air d’être un sacré bonhomme. Son roman « Ballade pour Leroy » a été écrit en hommage aux familles des soldats, ceux qui restent et qui doivent gérer un deuil ou des blessures ou maladies graves. Atticus Lish a évoqué les difficultés pour un soldat à revenir à la vie normale : un militaire apprend à survivre en milieu hostile, et acquiert des compétences qui ne sont pas forcément liées à une vie normale. Pour lui c’est une des raisons qui expliquent pourquoi tant d’anciens soldats se retrouvent SDF : ayant des problèmes à se réinsérer ils vont tendre vers une vie difficile que leur formation leur a appris à gérer. Le sujet de l’admiration de la population civile envers les soldats a été également traité : tous étaient d’accord pour dire que les soldats étaient vus avec respect et admiration de la part de la population, mais Vlautin a tempéré le propos en disant que les civils voyaient les soldats comme des sortes de John Wayne, devant revenir beaux, intacts et glorieux des combats. Si ceux-ci revenaient mutilés ou avec des problèmes psychologiques, ils suscitaient beaucoup plus de gêne que d’admiration. Et Kevin Powers d’ajouter que l’admiration est une bonne chose mais que ce n’est pas vraiment ce dont les ex-soldats ont besoin, plutôt un encadrement, une réinsertion, et parfois des soins adaptés. Les attentats du 11/09 ont également été évoqués puisque c’était les 15 ans, ainsi que la période GW Bush et la guerre en Irak (Atticus Lish a dit qu’il aurait aimé que les attentats soient considérés comme des crimes, et que les responsables soient arrêtés et jugés plutôt que de se lancer dans une guerre qui allait forcément tuer beaucoup d’innocents), et bien sûr les prochaines élections avec Donald Trump : les invités ne pensent pas qu’il sera élu…à suivre.

Et le Festival c’est aussi l’occasion de se balader au salon du livre, et de croiser plein d’auteurs

J’ai aperçu Pete Fromm en grande conversation avec Oliver Gallmeister, James McBride (l’auteur de l’Oiseau du Bon Dieu), Alain Mabanckou avec chapeau et lunettes, puis méconnaissable sans chapeau ni lunettes puis à peu près reconnaissable avec ses lunettes mais sans chapeau..

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James Ellroy était sans conteste le Roi de ce Festival, et a dédicacé à tour de bras, vêtu d’une chemise hawaïenne du meilleur goût. J’ai aussi vu  Molly Prentiss, la jolie auteure de « New York, esquisses noctunes », Laura Kasischke qui a un regard extrêmement bleu, David Joy qui dessinait un poisson, et Colum McCann en grande discussion avec Rachel Kushner.

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Electra, qui est passionnée de culture amérindienne, a discuté avec David Treuer, l’auteur d’Indian Roads, qu’elle considère comme une Bible. Il lui a confié qu’il écrivait actuellement encore un essai, mais que ce serait le dernier car il trouve cela trop fastidieux. Bret Anthony Johnston, qui était à côté, est alors intervenu en disant que pour lui c’était l’inverse, il trouvait plus facile d’écrire des essais que d’écrire de la fiction.

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J’ai un peu échangé avec Anna North, l’auteur de « Vie et mort de Sophie Stark » que j’ai beaucoup aimé. Elle m’a dit qu’elle avait publié un autre livre aux Etats-Unis mais que comme le personnage principal avait 18 ans, les éditeurs pensaient qu’il vaudrait mieux le publier en « young adult » ce qui l’étonnait beaucoup . On en a conclu qu’il faudrait peut-être qu’elle change l’âge de la protagoniste et qu’elle lui donne 21 ans dans la version française…

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Atticus Lish était très sympathique, il a essayé de me vendre le livre de son compatriote Sam Lipsyte puis nous avons discuté de la France : il était déjà venu à Paris avec sa femme pour leur anniversaire de mariage et s’est même déjà rendu à Marseille où il a dormi sur une plage…Devant mon étonnement, il m’a expliqué que quand tu as bien bu, tu peux t’endormir n’importe où… Il a mis 5 ans à écrire son livre « Parmi les loups et les bandits », et planche actuellement sur un nouveau roman, mais il a refusé catégoriquement de m’en donner le sujet!

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Joseph Boyden était très sympathique aussi, et également très beau. D’ailleurs je le lui ai dit, ajoutant qu’il avait un physique d’acteur, mais selon lui c’est Colum McCann le plus bel auteur du festival (heu…non) On a un peu discuté de la conférence du matin sur la Nouvelle-Orléans, et il m’a confié qu’il avait été impressionné par l’étendue des connaissances de Bernard Hermann. Pour finir, je l’ai pris en photo, et il a remarqué ma coque d’IPhone en me disant qu’elle était très sympa et que lui aussi aimait beaucoup Nick Cave!

Je suis rentrée avec plein d’envies de lecture, ma LAL et sans doute ma PAL vont exploser, mais c’est le signe que c’était un très bon festival! A dans deux ans, donc…c’est long!

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44 commentaires sur “Un week-end au Festival America

  1. Joseph Boyden a toujours beaucoup de succès à ce festival (c’était mon 3e), et c’est justifié parce qu’il est charmant, même si c’est un peu de la triche de l’avoir invité cette année : il est canadien 😉 C’était un très beau festival !

      1. oui c’est bien « Festival America : littératures et cultures d’Amérique du Nord ». Mais dans la liste des auteurs, il y a marqué Canada juste pour Joseph Boyden (qui vit d’ailleurs à la Nouvelle-Orléans…)

          1. ah oui c’est vrai !
            ça m’étonnait aussi que Jojo soit le seul canadien invité, ça aurait été un peu bizarre…ils en ont peut-être zappé d’autres…

    1. il est très sympathique et accessible, ça fait plaisir ! comme le disait Electra, c’est bien un festival d’Amérique du Nord même si le Canada n’est pas beaucoup représenté…et puis il vit à la Nouvelle-Orléans depuis 1992…

  2. Super compte -rendu ! Je suis arrivée trop tard pour le pique-nique et nous n’avions pas de conférences en commun, nous ne nous sommes donc pas croisées, ce sera pour une autre fois !

  3. Ah Joseph….soupir de bonheur….Je suis d’accord avec toi, c’est bien lui le plus beau ! C’est dommage que nous ne nous soyons pas croisées, j’étais également au débat sur la Nouvelle Orléans que j’ai trouvé absolument passionnant.

  4. Les conférences, les rencontres, les livres… Je bave en lisant ces mots et en scrutant tes photos. Merci merci merci, Eva. Grâce à ton compte-rendu, j’ai l’impression d’y avoir été un tout petit bout. Dans deux ans, j’irai, sur un radeau s’il le faut!
    P.S. (Moi, mon plus beau, c’est Willy Vlautin. Joseph vient en 2e!)

  5. Bon j’ai craqué .. je suis venue voir ton billet. Ravie d’avoir fait ta connaissance et du long compte-rendu sur la Nouvelle-Orléans, j’y ai été trois fois, j’adore cette ville et son histoire. Je regarde tous les documentaires et je serais ravie d’y croiser Boyden et son chihuahua !!!
    Sinon, j’aurais été aussi très intéressée par le débat sur le retour des soldats -qui depuis ceux partis au Vietnam – connaissent le plus haut taux de suicide. D’ailleurs, j’ai lu qu’un soldat par jour (ou 3?) se suicidait … j’ai vu un sublime documentaire sur ces soldats qui avaient fait des tentatives de suicide et se reconstruisaient grâce à la musique et l’art. Un document passionnant (dont le nom m’échappe); bref tu as bien fait de revenir dimanche ! à bientôt j’espère, j’ai été ravie de te rencontrer (et les autres of course!)

    1. quelle chance d’avoir pu aller à la Nouvelle-Orléans! tu as vraiment bourlingué partout 🙂
      ça m’a fait super plaisir de te rencontrer et de passer un peu de temps avec toi.
      A très bientôt!

  6. Je n’ai pas pu discuter avec beaucoup d’entre vous au pique-nique, nous étions nombreuses, mais c’était déjà sympa de se voir. Tu as vu des débats et des auteurs que j’aurais aimé voir aussi, mais la journée passe tellement vite quand on a un train à reprendre. Joseph Boyden, je l’avais longuement vu il y a quatre ans et oui c’est le plus beau !!

  7. C’est génial de pouvoir rencontrer la blogosphère 🙂

    Je note le rendez-vous dans deux ans, même si ça demandera pas mal d’organisation: j’habite en Belgique!

    Waouh, Joseph Boyden… ta photo sur Insta m’avait déjà plu 😉

    1. oui ça fait limite plus plaisir que de rencontrer les auteurs 🙂
      c’est vrai que tu ne peux pas vraiment faire l’A/R dans la journée…ce sera l’occasion d’un week end à Paris 🙂

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