Avec toutes mes sympathies – Olivia de Lamberterie

« Avec toutes mes sympathies » d’Olivia de Lamberterie est sans doute l’un des livres de cette Rentrée Littéraire que l’on a le plus vus dans les médias, sur la blogosphère ou Instagram, avec « La Vraie Vie » d’Adeline Dieudonné. J’ai eu la chance de lire ces deux ouvrages avant le grand emballement médiatique, donc sans attente spécifique ou a priori, et de rencontrer les deux auteures en petit comité au Salon Fnac Livres.

Le frère d’Olivia de Lamberterie, Alexandre, est décédé le 14 octobre 2015 : il s’est suicidé en se jetant d’un pont de Montréal, la ville où il habitait. Alex se battait  depuis de nombreuses années contre la dépression, et souhaitait mourir. Son décès est un choc immense pour sa famille, très soudée, et notamment pour Olivia qui était très complice avec son frère.

« J’ai perdu mon frère. Cette expression me semble la plus juste pour parler de toi aujourd’hui. Où vont les morts? »

Aucun mélo ni pathos dans « Avec toutes mes sympathies » : Olivia de Lamberterie raconte cette onde de choc qui la frappe. Le décès d’Alex n’est pas une surprise, il avait déjà fait plusieurs tentatives de suicide et avait déjà été interné. Mais il y a ce sentiment de scandale, d’injustice totale : « ce livre qui n’aurait jamais dû exister, puisque tu n’aurais jamais dû mourir ».

« Est-il né malheureux, mon frère, ou l’est-il devenu, happé par ses propres malheurs et une existence jugée insupportable, tant sa réalité objective – « J’ai tout pour être heureux » – jurait avec la perception qu’il en avait. Le désespoir sans objet le tuait à petit feu, sa culpabilité nourrissant l’impuissance de jouir de ce qu’il avait construit : un amour durable, une famille harmonieuse et un travail somme toute satisfaisant. »

En effet, le suicide est souvent un sujet tabou, pour beaucoup de gens il est lié à l’échec, or Alex a connu une vie de succès : beau garçon, intelligent, solaire, il a grandi dans une famille heureuse, a fait de brillantes études, a eu une belle carrière, était marié depuis de nombreuses années avec Florence, une femme qui l’adorait – et dont Olivia dresse un magnifique portrait -, avait une fille et un beau-fils, Juliette et François…et pourtant, son souhait était de mourir.

« Oui, c’est triste, mais c’est ce qu’il voulait, alors c’est bien ». J’en étais restée un peu sonnée, mais cette claque remettait les choses en leur juste perspective, car cette femme envisageait la mort non pas égoïstement de notre point de vue, mais de celui d’Alex »

Olivia de Lamberterie questionne notre rapport à la mort, et raconte l’absence de son frère, ce vide immense avec lequel elle doit désormais vivre, tout en continuant d’être épouse et mère, et d’exercer son métier de critique littéraire.

« Oui, la vie continue, mais comment continuer la vie sans lui? Je tente par tous mes moyens maladroits de transformer son absence en une présence lumineuse. »

Et il y a de très beaux passages sur son travail, sur son amour de la littérature, sur l’excitation de la Rentrée Littéraire … mais aussi sur son passage de l’autre côté de la barrière, puisque le décès d’Alex l’a poussée à écrire, ce qu’elle n’avait jamais fait jusque là.

« J’écris pour chérir mon frère mort. J’écris pour imprimer sur une page blanche son sourire lumineux et son dernier cri. Pour dire ce crime dont il est à la fois la victime et le coupable. A moins que nous ne soyons tous coupables, nous qui n’avons pas su l’empêcher, ou tous victimes, nous qui ne vivrons plus qu’à demi »

« Aujourd’hui, c’est troublant, j’ai vécu pour la première fois ce que des écrivains me racontent depuis quinze ans ; que tout d’un coup, l’écriture les dépasse, que les phrases jaillissent d’on ne sait plus où, les personnages se mettent à vivre tout seuls et font ce qu’ils veulent. Eh bien, tout est vrai, le livre s’écrit tout seul ».

Bien sûr, de nombreux passages sont poignants, mais il y a beaucoup d’amour dans ce livre et aussi des phrases bien senties, qui font sourire (« on réalise qu’on a vieilli quand on ne reconnaît plus personne dans Voici ».) J’avais lu ce livre en Septembre et je l’ai relu avant d’écrire ce billet et j’ai encore plus apprécié ce récit : c’est un ouvrage qui se relit, qui s’enrichit encore dans la relecture.

Un très beau récit, qui part d’une expérience très personnelle pour adresser un sujet universel. A lire absolument.

Publié en Août 2018 chez Stock, 256 pages. Prix Renaudot Essai 2018.

24e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2018.

18 commentaires sur “Avec toutes mes sympathies – Olivia de Lamberterie

  1. Ce livre est effectivement une vraie bonne surprise…sur un sujet difficile, le suicide, Olivia de Lamberterie nous fait fait passer du rire aux larmes en quelques pages…j’ai vraiment été bouleversée par son histoire, sa façon de nous la faire partager.

    Merci à elle. je suppose que cela n’a pas été évident, beaucoup de personnes devaient « l’attendre au tournant » (de par le sujet, sa relative « notoriété »…)

    Une belle réussite. A lire et relire!

    1. je suis d’accord avec toi, elle devait être attendue au tournant : la critique littéraire qui devient écrivain, et en plus sur un sujet personnel et potentiellement tabou…mais elle s’en est sortie haut la main !

  2. Ce livre m’a beaucoup remuée, et je l’ai dévoré malgré mes réticences de départ. Beaucoup d’amour, comme tu dis, et c’est ce que j’en retiens au final avec aussi cette façon courageuse de se dévoiler entre les lignes, sans toutefois tomber dans l’impudeur. Ce n’était pas évident, et pour ça, c’est une réussite.

  3. C’est un coup de coeur pour moi aussi. La démarche créatrice transpire de sincérité. Malgré la lourdeur du sujet, Olivia de Lamberterie présente un essai rempli de lumière, avec quelques touches d’humour. Un bel hommage au frère disparu et une ode à la vie. Une belle réussite à relire et à faire découvrir.

  4. Bonjour à tous,
    Je ne comprends pas cet engouement pour ce livre d’Olivia de lamberterie….
    Bien sûr compte tenu de son appartenance aux médias elle bénéficie de beaucoup de relais dans la presse écrite et dans l’audio visuel.
    Je trouve ce livre vraiment indécent,inaproprié ,truffé de phrases piquées ici et là à d’autres auteurs..ou empruntées à des titres de chansons ou d’ouvrages littéraires …pourquoi « un auteur »occasionnel qui n’ a jamais rien prouvé reçoit un prix tel que le Renaudot ? Oui pourquoi ?c’est un livre narcissique ,il y a quelque chose de gênant ,d’offensant et de navrant à ne s’autoriser à écrire que parce que son frère s’est suicidé et d’en faire son sujet..son projet ….pour exister …n’est ce pas ?car c’est le sujet !jusqu’à cette scène insensée et diabolique où elle plonge dans les cendres du frère suicidé ….
    J’ai été pris de dégoût ,déjà quand j’ai entendue l’auteur s’exprimer dans la jolie émission d’Eva Bester : »remède à la melancolie.
    Je suis une grande lectrice…je regarde aussi cet auteur s’exprimer dans des émissions où elle chronique des livres:elle se répand,n’a aucun esprit de synthèse ,fait des longueurs…..elle a beaucoup de chance de garder ses rubriques littéraires .
    Je conseille aux lecteurs deux très beaux livres sur le deuil de PHILIPPE FORREST, » le nouvel amour »  » tous les enfants sauf une « .
    Il faut sortir du petit microcosme parisien et rechercher de vrais auteurs…mais c’est une chose difficile à faire .

    1. Effectivement, la notoriété d’Olivia de Lamberterie dans le milieu littéraire a certainement permis à son livre d’avoir un retentissement qu’un livre d’un auteur inconnu n’aurait pas eu. Je n’ai en revanche pas trouvé son livre indécent ou inapproprié. Merci pour vos conseils de lecture, je ne connaissais pas Philippe Forest et sa bibliographie semble très intéressante !

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