Unorthodox – Deborah Feldman

Unorthox est un récit autobiographique de Deborah Feldman qui a été traduit en français suite au succès de son adaptation en série sur Netflix. Si l’histoire a été changée pour la rendre plus trépidante et romanesque pour les besoins de la série (il n’y a pas de fuite à Berlin, mais une séparation aux Etats-Unis), le thème reste le même : l’émancipation d’une jeune femme juive hassidique.

Deborah vit dans une communauté hassidique satmar à Brooklyn. Elle est élevée par ses grands-parents car son père est attardé et sa mère a fui la communauté. Deborah n’est pas heureuse dans sa famille, et a du mal avec les règles strictes qui lui sont imposées. Son seul échappatoire réside dans les romans qu’elle lit en cachette : « Les Quatre Filles du Docteur March », ou encore « Orgueil et Préjugés », un livre dans lequel elle se reconnait – elle vit en effet dans une communauté où tout le monde se connait, où tout le monde se scrute, et où le seul objectif d’une fille est de trouver le meilleur parti possible, ce qui est compliqué pour Deborah en raison de la situation de ses parents.

Deborah, grâce à ses lectures, parle un excellent anglais. En effet, bien que l’on soit à Brooklyn, la communauté vit en vase clos et la langue pratiquée est le yiddish – la plupart des camarades de la jeune fille ne parlent donc quasiment pas anglais.  A la fin de ses études, à dix-sept ans, elle devient professeur d’anglais dans une école de la communauté, et sa famille lui cherche un époux via une marieuse : Deborah pense que le mariage lui apportera une certaine liberté, et est plutôt contente qu’on lui présente Eli, un garçon un peu plus âgé qu’elle. Le couple est marié après seulement quelques courtes rencontres.

Mais Deborah déchante rapidement : la découverte de la sexualité est compliquée alors que tout le monde attend qu’elle soit enceinte le plus vite possible, sa belle-famille se mêle de tout, les règles que la femme mariée doit suivre sont contraignantes et intrusives dans l’intimité du couple, elle n’a pas vraiment d’atomes crochus avec son mari. Alors qu’elle devient mère, elle réalise qu’elle ne veut pas de cette vie, pour elle mais surtout pour son fils…

Bien sûr j’ai pensé à « Celui qui va vers elle ne revient pas » en lisant ce témoignage  puisque l’histoire racontée est assez similaire (même si Shulem Deen est un « skver », considéré comme extrémiste pour un « satmar » : deux jeunes gens qui étouffent dans une vie où absolument tout est régenté et où ils n’ont jamais le choix ; un univers clos où tout est fait pour que les gens soient captifs : Deborah n’est pas censée quitter son quartier et fréquenter des gens qui n’appartiennent pas à sa communauté, ses camarades ne parlent quasiment que yiddish et sont peu éduquées, ce qui les empêche de faire des études, de travailler à l’extérieur de leur communauté, de trouver leur place dans un monde laïque. Et puisque les membres de la communauté se marient très jeunes et sont incités à avoir beaucoup d’enfants, ils se retrouvent rapidement avec une grande famille qui leur prend tout leur temps libre et leur énergie, et les retient au foyer.

Au niveau démarche et personnalité, Deborah Feldman et Shulem Deen sont assez similaires également : la jeune femme a toujours eu un caractère énergique et curieux – elle prend le métro en cachette pour explorer New-York, va à la bibliothèque…le fait qu’elle parle un excellent anglais – comme Shulem Deen – lui permettra d’avoir la capacité de faire des études, de parler de sa situation (elle aussi via un blog qui la fait connaître), et de sortir de sa communauté.

Le témoignage est bien sûr intéressant et édifiant, j’ai néanmoins trouvé que toute la première partie qui concerne l’enfance et l’adolescence de Deborah était très bavarde, avec d’ailleurs plusieurs épisodes certainement marquants pour elle mais qui n’apportent pas grand chose au récit – même si ça permet de bien poser le contexte. Son mariage n’intervient qu’aux deux tiers du livre, et j’ai eu par conséquent l’impression qu’on passait rapidement- en comparaison – sur son processus d’émancipation, qui est graduel (déménagement, permis de conduire, université, réseau d’amis, vêtements et apparence physique…) . Un deuxième tome me semble nécessaire pour explorer plus en détails le sujet de son départ et de sa vie « d’après ».  Dans sa postface, l’autrice explique qu’une mère qui décide de divorcer et de quitter la communauté a très peu de chance d’obtenir la garde de son enfant : elle a donc choisi de médiatiser sa situation et de publier très rapidement le livre qu’elle avait commencé à écrire, afin de circonscrire menaces et pressions et obtenir la garde de son fils. Ce qui explique probablement pourquoi le rythme s’accélère au cours du livre et pourquoi le style du texte n’est pas très travaillé.

Si ce thème vous intéresse, à choisir, je vous conseille plutôt le récit de Shulem Deen, plus fouillé et plus littéraire. J’ai également moins accroché à la personnalité de Deborah (j’avoue qu’elle m’a parfois agacée…) qu’à celle de Shulem. « Unorthodox » est néanmoins plus accessible pour un lecteur n’ayant pas forcément de connaissances religieuses et a le mérite d’apporter le point de vue spécifique d’une femme sur le sujet.  

ps: j’ai lu un certain nombre d’articles sur ce livre, et certains me laissent perplexes : plusieurs disent qu’il y a de grandes inexactitudes dans ce récit autobiographique parsemé de photos de famille, par exemple que Deborah n’est pas fille unique mais a une petite sœur, ou encore que sa mère a quitté la communauté non pas quand elle était bébé mais pendant son adolescence…je ne sais pas quoi en penser ! 

Publié en Juillet 2020 chez Hachette, traduit par Michel Laporte, 330 pages.

Lu via Netgalley.

 

6 commentaires sur “Unorthodox – Deborah Feldman

  1. Oh bin dommage pour le derapage bio….a savoir le vrai du faux….car le sujet est vraiment interessant, la place de la femme dans une telle religion, puisque c’est elles qui portent la religion….bref…

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