Fracture – Eliza Griswold

« Fracture » d’Eliza Griswold, résultat de sept années d’enquête, a reçu le Prix Pulitzer non-fiction en 2019.

Le récit nous entraîne dans une petite bourgade des Appalaches, région sinistrée depuis l’arrêt de l’exploitation du charbon. Le milieu est modeste, les gens sont de petits employés, ou de petits agriculteurs. Un certain nombre de maisons ne sont pas reliées au réseau d’eau courante, et s’alimentent grâce à des puits – l’alimentation en eau sera un élément très important de ce récit. Stacey, infirmière divorcée et mère de deux enfants, ne compte pas ses heures de travail mais a du mal à joindre les deux bouts. Lorsqu’une grosse entreprise s’installe dans la région pour extraire du gaz de schiste grâce à la fracturation hydraulique, Stacey, comme ses voisins, voit dans la signature d’un bail de location de ses terres le moyen de gagner quelques milliers d’euros en loyer et royalties pour enfin retaper sa grange.

Mais quelques temps plus tard, le fils adolescent de Stacey commence à être victime d’étranges symptômes. Il ne peut plus se nourrir et devient très maigre, est complètement apathique, incapable d’aller à l’école… Plusieurs maladies sont soupçonnées, et Stacy court de rendez-vous médicaux en analyses, mais à chaque fois les tests sont négatifs. Quand d’autres voisins développement également des symptômes, et que des animaux meurent brutalement, Stacey commence à soupçonner que l’eau que sa famille utilise serait contaminée, voire même pire, l’air qu’elle respire. Le récit raconte près d’une décennie de combat judiciaire de la mère de famille, épaulée par deux avocats, pour faire reconnaître la responsabilité de l’entreprise dans leur contamination et leurs maladies.

Eliza Griswold a un vrai talent de description, elle sait croquer très rapidement un personnage à l’aide de quelques détails, une anecdote, ou une inscription sur un tshirt. Les personnes dont elle nous parle sont donc très bien incarnés. J’ai lu cette histoire avec beaucoup d’intérêt et d’empathie pour Stacey et ses enfants. Stacey est une sorte d’Erin Brockovich des Appalaches, et son combat est admirable. Il y a beaucoup de choses très intéressantes dans ce récit, notamment le côté microcosme de cette petite bourgade, où toutes les parties se connaissent ou sont apparentés, ainsi que la phase judiciaire en elle-même, avec tout un écosystème fédéral de lois, d’agences, de lobbys.

J’ai cependant trouvé que le livre était un peu trop long et redondant. Cela correspond bien au long tunnel dans lequel Stacey s’est retrouvée, à chercher pendant des mois de quelle maladie pouvait bien souffrir son fils, puis à essayer de rassembler des preuves, puis à se lancer dans une bataille judiciaire lourde et lente, et cela permet également de passer du temps avec cette famille, de bien les connaître, de s’y attacher, mais le récit met vraiment longtemps à décoller, et a tendance parfois à se perdre dans trop de détails, et j’avoue que j’ai parfois décroché de ma lecture.  

Il n’empêche que « Fracture » réussit à être à la fois très vivant et très documenté. Un récit édifiant !   

Publié en Septembre 2020 chez Globe, traduit par Séverine Weiss, 320 pages.

42e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2020.

A retrouver à l’affiche du 109e épisode de Bibliomaniacs ici.

8 commentaires sur “Fracture – Eliza Griswold

  1. Marrant, je viens de le terminer, mon billet est en cours. Trouvé en bibli, les éditions globe sont vraiment bien.
    Sur le sujet, oui, quelques longueurs, mais cela reste aisé à lire, et en tout cas à lire!

  2. Je l’ai vu sur IG et Keisha m’en a parlé hier .. comme quoi ! j’ignorais que les éditions Globe l’avait traduit du coup je l’ai acheté en anglais
    je note les longueurs mais le sujet (trop hélas d’actualité) me tente trop !

  3. Tout à fait d’accord que ce sujet est très intéressanr mais que ce texte est, comme vous le dites, lent à décoller, redondant, etc. C’est un défaut fréquent dans les livres américains traitant de sujets critiques : à trop vouloir prouver, justifier, ils deviennent pesants. Vous avez le courage de le dire alors que la plupart des « critiques » l’encensent sans restriction.

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