La Maison des Absents – Tana French

« La Maison des Absents », qui a gagné la sélection d’Octobre pour les ‘policiers’,  est mon premier vrai coup de cœur dans cette catégorie depuis le début du Prix. J’ai même rogné sur mes heures de sommeil tant j’étais accrochée à l’intrigue et n’arrivais pas à poser le livre.
Le paradoxe est qu’il n’y a pourtant rien d’extraordinaire dans ce roman : le style est classique, sans fioriture ni effets de style, l’intrigue n’a rien de très original, et se déroule de façon linéaire, le point de vue du récit est uniquement celui de l’inspecteur de police… On est bien loin par exemple des Lumineuses, thriller de la sélection de Décembre. Pourtant, et c’est tout le talent de l’auteur, la magie opère, de façon extrêmement efficace.
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Dans un lotissement perdu au milieu de nulle part, dont la construction s’est arrêtée avec la crise irlandaise, seules quelques maisons sont habitées. Dans l’une d’elles, la famille Spain est retrouvée décimée : les enfants ont été étouffés, les parents lardés de coups de couteau. Seule la mère, grièvement blessée, a pu être sauvée. Les Spain étaient jeunes, beaux, bien entourés et relativement à l’aise, du moins jusqu’à ce que le père perde son emploi, et qu’ils se replient sur eux-mêmes. Dans leur maison, à l’intérieur immaculé et très bien décoré, la police s’aperçoit que des trous grossiers ont été creusés dans les murs, qu’il y a des caméras partout, et qu’un énorme piège a été installé dans le grenier. L’inspecteur Kennedy mène l’enquête avec son jeune co-équipier Richie, tout en s’occupant de sa sœur mentalement instable.
Le lieu du crime joue beaucoup pour conférer au roman une atmosphère sombre et désespérée. Ce lotissement laissé à l’abandon car la bulle irlandaise a explosé avant qu’il soit fini et complètement occupé, que ses habitants ne peuvent plus quitter car ils ont payé au prix fort une maison que personne ne voudrait leur racheter, est le terreau d’une folie d’autant plus inquiétante que ses racines en sont tout à fait banales. C’est d’ailleurs cet endroit, Broken Harbour, qui donne son titre original au roman, et qui fait également écho au drame familial qu’a vécu durant son adolescence Mike Kennedy, l’inspecteur et qui continue à le hanter au quotidien.
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Les différences de points de vue éthiques entre Mike et son co-équipier Richie m’ont moins convaincue, mais j’ai été touchée par le personnage de Conor. Resté prisonnier de ses émois adolescents, il n’a pas réussi à construire une vie d’adulte, et fait le lien entre le passé glorieux des Spain -que Gad Elmaleh aurait qualifié de « blonds »- et leur nouvelle existence, touchée de plein fouet par le chômage, l’endettement et l’enfermement, une tragédie qui peut arriver rapidement et facilement à nombre d’entre nous.
« La Maison des Absents » m’est resté longtemps en tête, c’est un polar sombre et prenant, qu’il vaut mieux éviter de lire seule chez soi dans la nuit, et qui donne vraiment envie de découvrir les autres romans de Tana French.

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Les avis de mes charmantes co-jurées: CoralieValérieBiancaEnna

8 commentaires sur “La Maison des Absents – Tana French

  1. bon ça a l'air de marcher! donc je disais, que comme toi j'ai trouvé ce polar très réussi. Rien d'exceptionnel mais une alchimie qui fonctionne bien. Pour l'instant c'est le seul policier que j'ai aimé dans la sélection (puisque j'ai détesté tous les autres, contrairement à toi) et pour une fois on est d'accord!!

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