Kokoro – Delphine Roux

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Etant en pleine période japonisante pour préparer notre prochaine émission Bibliomaniacs « spéciale Japon », je me suis plongée dans un court roman français mettant en scène des personnages japonais : « Kokoro » de Delphine Roux.

Le narrateur, Koichi, a perdu ses parents, décédés de façon dramatique. Depuis il vit de façon solitaire et contemplative. Il travaille comme manutentionnaire dans une bibliothèque,  ne se lie pas avec ses collègues, n’a pas d’amis, pas de petite amie et ne s’engage dans rien : ni dans des relations, ni dans des études, ni dans des procédures comme le passage du permis de conduire. Sa seule véritable activité est de s’occuper de sa grand-mère qui vit maintenant en maison de retraite. Lorsqu’il était enfant, Koichi était très différent, c’était un enfant vif et gai, très proche de sa grande sœur Seki. Celle-ci a choisi une vie radicalement opposée à celle de son frère : elle a fait des études, est partie à l’étranger, et vit dans un monde de luxe et de consommation avec son mari et ses jumelles. Elle a un poste important, et n’a plus vraiment de lien avec son frère et sa grand-mère, dont elle s’occupe de loin, de façon financière et administrative. Pourtant, quand Koichi apprend que sa sœur ne va pas bien, il décide de changer de vie, de se prendre en main, et de s’occuper d’elle.
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Delphine Roux
« Kokoro » est un roman déroutant. Je n’ai pas eu du tout l’impression de lire un livre français, mais bien un livre japonais. L’histoire est racontée de façon très aérée, en très courts chapitres qui commencent tous par un mot japonais. Je me suis laissée emporter par ce récit narré de façon simple, mais quand même poétique. Koichi est un homme touchant et attachant, une personne à qui la mort tragique de ses parents a coupé les ailes. Il se protège en vivant replié sur lui-même, sans aucun engagement, sans  interaction impactante avec son environnement. C’est une personne figée dans le passé, qui n’arrive pas à évoluer et à progresser, un enfant dans un corps d’adulte. Sa sœur, au contraire, a voulu s’éloigner le plus possible de son passé : s’éloigner géographiquement en partant étudier à l’étranger, puis être prise dans un tourbillon familial, professionnel et matérialiste qui l’a détachée de toute véritable relation sentimentale avec son frère et sa grand-mère.
En peu de mots, avec une écriture juste et fine, douce et mélancolique, Delphine Roux a réussi à dépeindre la bulle dans laquelle Koichi s’est enfermé. Un quotidien routinier et détaché du rythme frénétique de la vie contemporaine et de ses contingences. Le roman est à la fois sensible et prenant, et s’accélère lorsque Koichi apprend que sa sœur va mal : c’est le stimulus que Koichi semblait attendre pour se réveiller de la torpeur dans laquelle il macérait depuis des années. Il prend enfin des initiatives,  bouscule ses habitudes pour être capable d’aider Seki. Il sort de son statut d’enfant, de son statut d’éternel cadet pour devenir enfin un adulte, une personne en capacité d’en soutenir une autre qui est en souffrance et de répondre à ses besoins.
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J’ai quand même été un peu déçue par la fin du roman. J’ai trouvé que Koichi qui vivait replié sur lui-même depuis des années, surmontait un peu trop facilement tous les obstacles pour parvenir à ses fins et que cela n’était pas très plausible, et que l’épilogue n’était pas assez développé à mon goût, se terminant sur une note feel-good certes sympathique, mais un peu téléphoné, qui m’a frustrée. Il n’empêche que « Kokoro » est une bouffée d’air frais, un joli livre à l’écriture sobre et ciselée qui se lit très bien. « Kokoro » n’est donc pas un coup de cœur en raison de cette fin qui m’a fait tiquer, mais ce premier roman est quand même une belle découverte, et Delphine Roux, une auteure à suivre.
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Publié le 21 Août 2015 aux Editions Picquier, 128 pages.
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46e participation au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015 organisée par Hérisson.

11 commentaires sur “Kokoro – Delphine Roux

  1. Magnifique billet! Même si la littérature japonaise et moi, ça fait deux, tu me donnes très envie de le lire. Ton bémol pour la fin me refroidit un peu. N'empêche, l'histoire m'intrigue beaucoup. Merci pour la découverte.

  2. @ Léa : oui tu as des goûts variés, et je suis sûre que ce livre pourrait te plaire!

    @ Delphine : toujours compliqué de prioriser avec tous ces livres qui nous font envie!

    @ Electra : oui je me souviens très bien de ton billet… jamais lu de polar japonais mais il me semble qu'il y en a chez Actes Noirs

    @ Marie-Claude : je lis très peu de littérature asiatique mais j'ai beaucoup aimé le Murakami que j'ai lu "L'incolore Tsukuru Tazaki…"

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