Dans « Camille, mon envolée », texte lumineux de Sophie Daull sur la mort de sa fille, emportée à l’âge de seize ans par une fièvre fulgurante, l’auteure nous apprenait que le décès de Camille n’était pas le premier drame auquel elle était confrontée, puisque sa propre mère avait été assassinée vingt-cinq ans auparavant. Une mère, Nicole, qui était très secrète sur sa vie avant son mariage, et que Sophie Daull, l’ayant perdue à dix-neuf ans, n’aura pas le temps de questionner. L’auteure évoque donc dans « La Suture » l’enquête qu’elle mène sur les deux premières décennies de sa mère, et cette vie qu’elle imagine à travers documents et témoignages.
Sophie Daull ne possède que très peu d’éléments sur sa mère : une boîte à chaussures avec quelques cartes postales et quelques photos, une vieille cassette audio à moitié inaudible où sa tante Paulette est interviewée par la sœur de Sophie, quelques souvenirs et anecdotes que sa mère lui avait racontés. L’auteure se rend dans les différentes villes où sa mère a habité et tente de trouver des informations et des témoins. Un tour de France qu’elle finance avec l’héritage de Camille, cet argent qu’elle avait mis de côté pour payer les études de sa fille. Car le sujet du livre, au-delà d’un portrait de Nicole, est aussi le double deuil d’une femme qui se retrouve sans ascendance ni descendance, qui après avoir perdu son statut de fille perd aussi son statut de mère. La mère de Sophie et la fille de Sophie ne se sont jamais rencontrées, Nicole étant morte une dizaine d’années avant la naissance de Camille, pourtant elles sont liées aujourd’hui par le fait d’être toutes deux décédées alors que celle qui les lient, Sophie, est quant à elle toujours en vie. L’auteure l’avoue au détour d’une phrase, cette enquête sur les premières années de sa mère – ces années où elle ne l’a pas connue – est un moyen de répondre à ses interrogations sur ce passé mystérieux mais surtout un projet pour continuer à avancer, et à tenir debout.
Contrairement à « Camille, mon envolée » où Sophie Daull racontait la vie de sa fille telle qu’elle l’avait connue, ainsi que son ressenti, durant la maladie fulgurante et après la mort de Camille, dans « La Suture », c’est un travail d’imagination que nous propose l’auteure puisqu’elle s’attache à explorer « l’avant » de sa mère – Nicole jeune fille, avant d’être mariée et mère de Sophie et Delphine. Sophie Daull imagine donc des scènes, des échanges, des relations…à partir du peu d’informations qu’elle a pu glaner et d’un parcours qu’elle reconstitue avec difficultés : peu de gens qui ont connu sa mère sont encore en vie, ou ont des renseignements vraiment marquants à lui fournir. Le portrait de Nicole qui se dessine est attachant, d’autant plus que son histoire est tout sauf rose, mais il n’a pas la consistance de celui de Camille, qui même morte était pleine de vie sous la plume de sa mère – Sophie Daull nous racontait sa Camille, celle qu’elle avait connue pendant seize ans, alors qu’elle nous raconte ici une Nicole qu’elle n’a pas connue pendant plus de vingt ans. Même si l’humour et la gouaille de l’auteure sont toujours présents, ils ne peuvent pas s’exprimer avec autant de force car subsistent encore mystères et questions.
« La Suture » de Sophie Daull est une enquête intéressante d’une fille sur sa mère telle qu’elle ne l’a pas connue. Une démarche assez frustrante car le peu de résultats pousse à un travail d’imagination, mais un récit sincère et touchant d’une femme qui est le chaînon entre deux mortes, sa mère et sa fille.
Publié en Août 2016 aux Editions Philippe Rey, 210 pages.
16e lecture de la Rentrée Littéraire 2016.
J’avais beaucoup aimé son premier roman. Forcément, parler de la tranche de vie d’une femme sans l’avoir connue est un autre exercice différent. Quel étrange destin effectivement et puis le côté mystérieux de sa mère, une femme très discrète – elle n’a pas retrouvé d’amis d’école, de lycée ?
Il y a des personnes autour de nous qui resterons toujours ainsi.
Merci pour ce beau billet en tout cas
les rares personnes que Sophie Daull retrouvent – il faut qu’elles soient en vie, et qu’elles n’aient pas quitté la région – disent un peu toutes la même chose : elle était discrète, on ne savait pas grand chose sur elle…Elle a quitté l’école avec le certificat d’études et a commencé à travailler assez tôt, donc il n’y a pas non plus une grande amplitude d’années scolaires pour trouver des informations…
Beaucoup trop introspectif pour moi, je passe sans regret.
introspectif n’est pas le mot que j’emploierais…l’auteure a une forte personnalité et est aussi très ouverte sur l’extérieur, même si effectivement elle parle d’elle et de sa famille.
C’est une idée ou tu l’as moins aimé que le premier? Pour ma part, je ne suis pas du tout intéressée, ni par l’un ni par l’autre :-//
J’avais adoré « Camille, mon envolée »…j’ai bien aimé celui-là, mais il m’a moins touchée
Beau billet! Je vais d’abord tenter de lire « Camille, mon envolée ». Le sujet me parle davantage!
En tant que mère d’une petite fille, tu vas morfler en lisant ce livre…
Il a l’air de t’avoir moins plu que le premier. Moi j’avais adoré Camille mon envolée et trouvé
l’écriture très belle. J’ai envie de découvrir aussi celui ci.
« Camille mon envolée » était un portrait très vivant de Camille, et une réflexion très touchante sur la perte d’un enfant par sa mère…ici c’est plus un travail d’imagination et de reconstitution, et j’ai trouvé que la gouaille et l’humour de Sophie Daull étaient du coup moins présents dans le livre…
Je n’avais pas voulu lire son premier livre à cause du sujet. Pour certains livres, il faut se sentir prêt(e) à les ouvrir.
son thème est très dur, surtout quand on est parent
Je viens tout juste de finir mon billet que je publierai dans une semaine environ. Je te rejoins tout à fait. C’est vrai que « La suture » est moins percutant mais il est dommage de se priver de cette lecture quand on a lu Camille car les deux livres se complètent. Et c’est un vrai plaisir de retrouver la plume de Sophie Daull.
oui je les vois comme un diptyque, même si celui-ci manque un peu de souffle par rapport à Camille
Je ne lirai pas ses livres, en tout cas pas Camille mon envolée, qui doit bien remuer les tripes….
c’est clair qu’il fait pleurer, mais en même temps, il est tellement lumineux, vivant, et plein d’humour aussi…
J’avais apprécié son précédent livre, mais je ne suis pas sure de me laisser tenter par celui-là..
je pense qu’il te touchera moins…mais il faut le considérer comme la 2e partie d’un diptyque avec « Camille mon envolée »