« Hillbilly Elegie » dont j’avais vu il y a quelques temps l’excellente adaptation cinématographique, est un récit autobiographique écrit par un « transfuge social », JD Vance, qui, après avoir grandi « chez les bouseux » (traduction approximative de Hillbilly) a été diplômé en droit de l’Université de Yale.
Si l’on cherche sur Google qui est JD Vance, on découvre un politicien conservateur et chrétien, ce qui pourrait détourner un certain nombre de lecteurs de « Hillbilly Elegie ». Ce serait pourtant dommage, car c’est un récit vraiment très intéressant. Il ne faut juste pas oublier que JD Vance est un Américain pur jus, il est patriote, aime les armes à feu, et croit en l’influence positive de l’Eglise.
JD a grandi dans l’Ohio, curieusement non loin de là où se déroule « Lady Chevy », ma lecture précédente (d’ailleurs Chevy souhaite entrer à Ohio State, l’université où JD commence ses études). Sa famille est assez foutraque, mais pour autant, elle n’est ni pauvre ni dénuée d’ambitions. Ses grands-parents maternels, Papaw et Mamaw, ont quitté le Kentucky pour offrir de meilleures perspectives à leurs enfants, même si la famille a souffert de l’alcoolisme de Papaw, qu’il a fini par surmonter.
JD trace un portrait assez fabuleux de sa grand-mère, une femme haute en couleurs, qui a le juron et le coup de poing faciles. Cependant, elle est aimante et a les pieds sur terre, et ce sera le refuge et le phare de JD durant toute sa vie. La jeunesse de JD est mouvementée car sa mère est instable, jusqu’à en perdre sa licence d’infirmière – elle souffre d’addictions, a de grandes sautes d’humeur, est parfois maltraitante, et change très régulièrement de mari – et il est à la limite du décrochage scolaire lorsqu’il décide de s’installer chez sa grand-mère, où il aura enfin la stabilité et la sérénité nécessaires – et quelqu’un qui se préoccupe de ses notes- pour se concentrer sur son travail scolaire et penser à faire des études.
JD Vance explique très bien les mécanismes qui font que les gens de son milieu ne vont habituellement pas à l’université, et a fortiori à Yale : beaucoup ont des parents paumés qui n’offrent pas les meilleures conditions de vie à leurs enfants, la plupart n’ont pas d’exemples positifs dans leur entourage donc une méconnaissance des perspectives, des filières et des débouchés, et peu d’ambition, voire une auto-censure (l’université n’est pas pour eux, c’est un autre monde)…
Il est également lucide sur le fait que sa réussite découle de tout un écosystème (fragile) dont il a pu bénéficier – une vraie solidarité familiale, une grand-mère attentive, des enseignants qui lui ont tendu la main, une compagne et des amis qui lui ont donné de bons conseils (notamment à Yale, où il n’avait pas les informations nécessaires, les codes, le réseau…)…d’ailleurs même sa mère, malgré ses défauts, l’a incité à emprunter des livres à la bibliothèque et a certes eu beaucoup de maris, mais jamais des hommes violents ou malveillants – mais aussi d’une décision très personnelle : celle de réaliser qu’il était trop immature pour aller directement à la fac après le lycée, et de s’engager dans l’armée durant quatre ans, pour en ressortir avec le goût de l’effort et du travail (surtout quand il doit enchaîner les petits boulots en parallèle de ses études à Yale), des objectifs ambitieux, et la possibilité de demander des bourses.
Alors oui, JD Vance tacle parfois au détour d’une phrase ceux qui vivent des aides sociales ou ceux qui, dans une région sinistrée, perdent le travail bien payé dont ils ont impérativement besoin pour nourrir leurs enfants en raison de leur absentéisme ou de leur nonchalance, mais il y a dans ce livre beaucoup d’amour et de bienveillance pour son milieu d’origine, pour sa famille, et notamment sa Mamaw, et une analyse fine de la culture hillbilly et de sa trajectoire personnelle.
Un très bon livre que je vous recommande !
Publié en 2017 chez Globe, traduit par Vincent Raynaud, disponible au Livre de Poche, 288 pages.