Sur les hauteurs du Mont Crève-Coeur – Thomas H. Cook

Thomas (H.) Cook n’a longtemps été pour moi qu’un réseau d’agences de voyage, avant que je n’apprenne qu’un auteur américain auteur de thrillers portait quasiment le même nom! C’est un billet d’Electra qui m’a donné envie de découvrir cet écrivain avec le roman « Sur les hauteurs du Mont Crève-Coeur ».

Thomas H. Cook
Thomas H. Cook

Le récit de « Sur les hauteurs du Mont Crève-Coeur » alterne entre deux périodes : 1962 et 1992. Ben, médecin d’une petite ville d’Alabama, Chocktaw, se remémore les événements qui ont bouleversé la communauté, trente ans auparavant, alors qu’il était encore au lycée. L’année scolaire avait pourtant bien commencé avec l’arrivée d’une nouvelle élève venue du Nord, de « chez les yankees », Kelli. Celle-ci avait intégré la rédaction du journal du lycée, et Ben était vite devenu très ami avec cette jeune fille belle et brillante. Kelli s’intéressait de très près aux mouvements civils, contrairement à la majorité de leurs condisciples, qui au mieux ne se sentaient pas concernés, et au pire y étaient hostiles. Elle avait même entrepris des recherches sur le passé esclavagiste de Chocktaw, dont le mont Crève-Cœur avait été un lieu clé. Un soir, la jeune fille fut retrouvée sur ce mont, violemment agressée. Un jeune homme d’une vingtaine d’années, déjà connu de la police pour des faits de violence, et qui était présent sur les lieux, fut arrêté et condamné pour le crime, sans cesser de clamer son innocence. Mais qu’était venue faire Kelli, seule, sur le Mont Crève-Coeur?

Les flash-backs reconstituent ces quelques mois entre l’arrivée de Kelli à Chocktaw et son agression. Le récit prend son temps pour installer situations et personnages, et pour distiller une tension étouffante. On sent que l’histoire tourne en rond, car il y a des non-dits, des secrets, des doutes…On sent aussi confusément que tout n’est pas clair au sujet de Ben, que même son meilleur ami – qui l’était déjà en 1962 –  se pose des questions.

Thomas H. Cook a très bien réussi la peinture de ces deux époques, et la façon dont elles sont liées. L’auteur dépeint très bien le début des années 60 dans le Sud des Etats-Unis, où la ségrégation règne encore, sans que cela perturbe la grande majorité des Blancs, qui s’étonnent même des revendications des Noirs. Kelli est le regard « nordiste », le regard extérieur qui confronte ces habitants de l’Alabama à leur passé oublié et à un présent qu’ils ne souhaitent pas voir en face. Les descriptions du lycée, de ses activités, de ses histoires d’amour sont également une réussite.

Trente ans plus tard, les répercussions du drame se font toujours sentir à Chocktaw : ceux qui étaient promis à un brillant avenir en 1962 n’ont pas vraiment réussi leur vie – couples qui se déchirent, alcoolisme, maltraitance…Même Ben, qui n’avait qu’un désir, partir de Chocktaw, est toujours là. Et bien qu’il soit marié et père d’une petite fille, sa femme a toujours l’impression qu’il y a une autre personne dans leur famille, et qu’elle-même n’est que le plan B…

« Sur les hauteurs du Mont Crève-Coeur » est un thriller – qui a agressé Kelli, et pour quelle raison? – mais c’est aussi un très beau roman sur le Sud des Etats-Unis, sur les années lycée, sur la passion adolescente, et sur la culpabilité.

Même si « Sur les hauteurs du Mont Crève-Cœur » m’a tenue en haleine, et m’a énormément plu, j’ai quand même des petites réserves sur le « mobile » du crime et sur le twist proposé par l’auteur, qui ne m’ont pas totalement convaincue. Cependant, c’est un roman qui m’a vraiment séduite, une très belle découverte, qui me donne envie de lire d’autres livres de Thomas H.Cook. A lire!

Publié en Août 2016 aux éditions du Seuil, traduit par Philippe Loubat-Delranc, 336 pages.

40e lecture de la Rentrée Littéraire 2016.

challenge

10 commentaires sur “Sur les hauteurs du Mont Crève-Coeur – Thomas H. Cook

  1. ton billet exprime tout ce que j’ai ressenti, même les bémols mais oui il tient en haleine et surtout reconstitue tellement bien le Sud dans les années 60 où la ségrégation était encore la norme ! Hier soir, je lisais un article sur la notion de « races » qui en fait est très récent et a beaucoup servi à justifier l’esclavage .. c’était très intéressant et ça fait écho à ce livre.
    J’avoue j’ai bien ri en lisant ton intro sur l’agence de voyages, j’y avais pensé moi aussi ! maintenant il faut que je lise un autre de ces romans, je voudrais en choisir un bien (c’est le seul auteur américain qui a choisi mon vrai prénom comme nom d’un personnage,…)

    1. haha c’est drôle, hier soir je regardais quel autre de ses romans j’allais lire ensuite, et je suis tombée sur le titre qui contient ton prénom, j’étais étonnée qu’un auteur américain choisisse ce prénom!

  2. Oui Cook, c’est vraiment bien, même si ses romans qu’on nous traduits dans le plus grand désordre ne sont pas tous d’égale qualité (les premiers me semblent moins bons). J’aime la façon dont il aborde le passé de son pays, dont il en souligne les paradoxes et contradictions. C’est à la fois psychologique et historique.
    Le twist ici m’a cueillie et convaincue pour ma part…

    1. la « logique » de parution des romans traduits en français m’a toujours laissée perplexe…(les Ron Rash, les Joyce Maynard paraissent également en France dans un joyeux désordre…) J’ai hâte d’en lire d’autres de Thomas Cook, je veillerai à continuer avec les parutions US les plus récentes…

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *