Une place à table – Joshua Halberstam

« Une place à table » de Joshua Halberstam a pour personnage principal Elisha, qui vit à New York dans les années 70. Il est issu d’une prestigieuse lignée de rabbins hassidiques et son avenir semble tout tracé, mais le jeune homme a envie de découvrir autre chose que son milieu religieux et familial et décide de s’inscrire à l’université. Dans le cadre de ses études, il rencontre Katrina, une jeune fille non juive dont il tombe rapidement très amoureux…

« Une place à table », qui est un roman d’inspiration autobiographique, s’inscrit dans la lignée des récits où un personnage se retrouve à la croisée des chemins et doit choisir entre la tradition et la nouveauté, rester dans sa communauté et suivre un destin tout tracé ou en sortir et renoncer à tout ce qui a forgé son identité depuis sa naissance. Chaïm Potok a brillamment écrit sur ce thème en fiction (« Je m’appelle Asher Lev » ou « L’Élu »), ou encore Shulem Deen dans son excellent récit autobiographique « Celui qui va vers elle ne revient pas ». 

Difficile de tirer son épingle du jeu dans le cadre de cette thématique déjà bien explorée, mais même si certains éléments de l’histoire sont assez prévisibles, « Une place à table » possède un charme indéniable. J’ai beaucoup aimé Elisha, que j’ai trouvé très attachant et subtil. Il est entouré de toute une galerie de personnages intéressants, que ce soit son mystérieux oncle Shaya grâce à qui il découvre la littérature et le jazz, son père, un homme étonnamment ouvert et compréhensif (à la limite du crédible d’ailleurs) vu son milieu et ses responsabilités, et sa petite amie Katrina, aussi séduisante qu’instable…

Elisha ne souhaite pas être en rupture avec sa famille et sa religion, il n’est pas dans une  vraie démarche radicale même s’il se coupe les cheveux, ou fréquente les restaurants non casher, d’ailleurs l’étude de la religion lui plait beaucoup, tout comme les traditions hassidiques, et notamment les histoires qui parsèment ce récit, mais il a envie de découvrir le monde, et surtout d’avoir le choix : découvrir le monde, être amoureux, étudier des matières qui l’intéressent…et pas forcément se conformer à une vie toute tracée qui lui est imposée car il est le fils de son père, ou le petit-fils de son grand-père. Le poids des décisions est d’ailleurs très fort pour une personne aussi jeune : tous ses actes semblent engageants, on ne lui donne pas le temps ou le droit de faire des expériences, d’explorer le monde profane, de vivre une histoire d’amour, de se tromper, de se chercher avant de décider ce qu’il veut être, ce qu’il veut faire.

Le récit émouvant d’un moment clé dans la vie d’un homme, et un beau roman d’apprentissage.

Publié en 2018 chez L’Antilope, traduit par Séverine Weiss, 384 pages.

 

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