J’avais découvert Sylvain Prudhomme l’an dernier avec « Les Grands » qui avait été un gros coup de coeur – une histoire d’amour, de musique et de nostalgie en Guinée Bissau qui m’avait enthousiasmée. L’auteur revient cette année avec « Légende » un roman bien différent, qui se déroule dans le Sud de la France, inspiré de faits réels.
Deux amis, Nel et Matt. Nel est un local, fils et petit-fils de berger, qui est devenu photographe. Il a rencontré un géant anglais, Matt, qui réalise des reportages à ses heures perdues. Matt est fasciné par une boite de nuit, la Chou, à la base une simple maison de manadier qui y recevait ses amis, qui est devenue rapidement un endroit très prisé pour faire la fête, et qui a connu son heure de gloire durant une grosse décennie, jusqu’au début des années 80. En se renseignant sur ceux qui y passaient leurs soirées, Matt entend parler de deux frères que tout opposait, Fabien et Christian, l’un dandy raffiné, l’autre sauvage et bagarreur : tous deux ont vécu intensément et ont connu une mort précoce. Matt réalise que Fabien et Christian étaient les cousins de Nel…
« Légende » est extrêmement différent des « Grands », j’ai même été très surprise du fossé entre ces deux ouvrages. Jamais je n’aurais pensé que c’était le même auteur qui les avait tous deux écrits. Disons-le clairement, « Légende » m’a moins touchée que « Les Grands », j’ai moins accroché à ce récit, je me suis moins installée dans l’histoire. Pourtant, « Légende » est extrêmement bien écrit. Sylvain Prudhomme a une très belle plume, et ses descriptions sont admirables : il a très bien su recréer un Sud dur, celui des montagnes, du travail difficile, de l’âpreté, de la solitude. Ce monde qui était celui du grand-père de Nel, puis de son père, un monde dont il s’est à la fois éloigné professionnellement en devenant photographe, rompant ainsi la tradition familiale, mais aussi rapproché par les thèmes de ses photographies. J’ai beaucoup aimé également la description de ces années un peu folles – la parenthèse enchantée que viendra casser la venue du SIDA- avec ces deux frères que des parents un peu fantasques ont confié à la grand-mère ( à moins que ce ne soit l’inverse), les voyant de loin en loin lorsqu’ils reviennent de Madagascar. Deux frères qui suivront des chemins opposés, mais qui seront heurtés de plein fouet par les maux de ces années de fête, le SIDA et la drogue.
Il y a dans « Légende » des pages magnifiques, et des atmosphères très particulières, pourtant quelque chose m’a tenue à distance de ce récit. Peut-être l’aurais-je plus aimé si je n’avais pas lu « Les Grands » avant, car je ne pouvais m’empêcher de faire des comparaisons, et je n’ai pas connu avec « Légende » le ravissement que m’a procuré son prédécesseur. Alors que « Légende » évoque des liens familiaux, des destins contrariés, des morts dans la fleur de l’âge, j’ai ressenti peu d’émotions à sa lecture, même si je reconnais que j’ai apprécié l’écriture et que le talent de l’écrivain est manifeste. J’ai appris à la toute fin du livre que le récit était inspiré de faits réels, Sylvain Prudhomme nommant même les véritables protagonistes . En y rependant ensuite, je me suis dit que c’était ça qui m’avait gênée pendant ma lecture : je pensais que c’était une oeuvre de fiction, mais je ressentais un côté un peu raide et froid de l’enquête et du témoignage, et c’est cette ambivalence qui m’empêchait de me sentir vraiment à l’aise dans ce récit. Pourtant, tout comme je sais après avoir refermé certains livres que je vais vite les oublier même si la lecture a été très agréable, je ne peux m’empêcher de penser que « Légende » est un livre qui va doucement mûrir et qui me restera certainement en tête.
« Légende » de Sylvain Prudhomme n’a pas vraiment été à la hauteur de mes attentes après le gros coup de coeur que j’avais eu pour « Les Grands ». C’est un beau roman, très bien écrit, mais qui n’a pas totalement réussi à me toucher. En fait, mon impression du livre est similaire à celle que je ressens en regardant sa couverture: c’est beau, c’est bien fait, mais il y a quelque chose d’un peu froid qui me tient à distance. Ce n’est pourtant pas un livre que je déconseille car l’auteur a un talent indéniable, mais je pense qu’il vaut mieux le lire avant « Les Grands ».
Publié en Août 2016 aux éditions L’arbalète/Gallimard, 304 pages.
7e lecture de la Rentrée Littéraire 2016
Je suis assez d’accord avec toi. J’avais eu aussi un gros coup de cœur pour le précédent et j’aime toujours autant la plume de Sylvain Prudhomme, mais celui-ci ne m’a pas autant emportée, même si ça reste un bon texte.
on est d’accord 🙂
Comme je n’ai pas encore lu « Les grands » (même s’il est depuis peu sur mes étagères comme tu le sais) je n’avais aucun point de comparaison en me lançant dans ce roman. Et j’ai vraiment beaucoup aimé l’écriture, l’atmosphère, l’époque qui m’a rappelé quelques souvenirs… Bref ce fut pour moi une très belle surprise.
j’étais ravie que tu l’achètes au forum Fnac Livres et j’ai hâte de savoir ce que tu vas en penser, surtout après avoir lu Légende
Billet à venir mais je suis assez d’accord avec ça. Du charme, une écriture, une petite musique mais on ne retrouve pas la magie des Grands. Belle lecture néanmoins, et un auteur que je continuerai à suivre…
oui c’est une évidence que l’auteur est très talentueux – j’ai apprécié également qu’il ne s’enferme pas dans un seul style, un seul univers.
J’ai hâte de lire ton billet
Visiblement, soit on lit l’un, soit on lit l’autre, mais il vaut mieux éviter de lire Les grands, puis Légende si je comprends bien.
c’est en tout cas mon avis 😀 mais tu peux faire l’inverse ^^
Je n’ai toujours pas découvert cet auteur.
je pense vraiment que Les Grands te plairait
J’ai vu l’enthousiasme de Jérôme pour ce livre, mais il précise qu’il n’avait rien lu avant or quand je lis ton enthousiasme sur son précédent roman, je passe mon chemin pour celui-ci. Surtout parce que ce que tu dis me parle : une écriture très belle ne me suffit pas – l’auteur finit par créer une distance, c’est beau mais froid comme du papier glacé. Or on a vraiment envie de sentir proche des protagonistes.
je te conseille vraiment Les Grands, par contre