Celle qui fuit et celle qui reste – Elena Ferrante

Si vous suivez un peu ce blog, vous deviez bien vous douter qu’un titre de la rentrée littéraire de Janvier ferait bientôt son apparition…hé oui, après une longue année d’attente, le troisième tome de « L’Amie Prodigieuse » a enfin été publié en français! Et encore une fois c’est un bonheur de retrouver Elena Ferrante et les aventures de Lila et Elena !

Comme je sais que beaucoup attendaient la sortie en poche du « Nouveau Nom »(le 2e tome) pour le lire, je vais vite passer sur le début de « Celle qui fuit et celle qui reste » – le roman commence là où le précédent s’arrêtait. Lila est dans une situation difficile, tant sur le plan social et familial que sur le plan économique. Quant à Elena, elle continue son ascension hors du quartier.

On suit toujours l’évolution des deux amies, cette fois-ci de l’âge de 22 ans à l’orée des 30 ans… Enfin, il faudrait plutôt dire « amies », tant leur relation est étrange, un mélange d’admiration, d’envie, et…de haine? Dans ce troisième volume, Elena et Lila passent finalement peu de temps ensemble, c’est plutôt par le téléphone que s’entretient le lien. Elena se rend bien compte, par des mots, par des situations, que Lila ne semble pas toujours lui vouloir que du bien, qu’elle est potentiellement « toxique », pourtant elle ne peut s’empêcher de revenir vers elle, de la contacter, de l’aider… Et c’est la même chose pour Lila. Alors qu’elles ne vivent plus du tout dans la même ville et se voient très peu, elles n’arrivent pas à couper le cordon.

De nombreux thèmes sont évoqués dans « Celle qui fuit et celle qui reste ». Nous sommes à la fin des années 60/début des années 70, une période de grands bouleversements, et notamment en Italie. Contestation universitaire, contestation ouvrière, révolution des mœurs, mouvement de libération des femmes, mais aussi années de plomb où la violence est omni-présente…le récit est fortement marqué par le contexte social et politique. Qu’ils soient patrons, professeurs d’université, étudiants, fascistes, communistes, révolutionnaires, victimes ou bourreaux, une grande partie de l’entourage d’Elena et Lila se retrouve embarquée dans le grand chamboulement. Les amies d’enfance doivent également gérer leur vie de femme : couple, carrière, maternité, sexualité…et sont toutes deux confrontées à des choix importants.

Mais le grand thème de ce roman est encore et toujours le quartier. Le quartier comme on dirait « la cité », avec toujours les mêmes protagonistes depuis le début de l’histoire. Lila et Elena, tout comme elles n’arrivent pas à couper le cordon entre elles, n’arrivent pas à s’éloigner du quartier. La première, ostracisée, n’aspire qu’à y retourner. La deuxième qui s’en est enfuie grâce à ses études, qui possède désormais une petite notoriété, un confort matériel, qui s’est élevée socialement grâce à son mariage avec un homme au patronyme respecté, vit malgré elle dans la nostalgie de ce quartier, qui la rattrape sans cesse. Ce sont des intonations au détour d’une phrase, une claudication comme celle de sa mère, des anciens amis qui débarquent chez elle ou qu’elle croise par hasard, une ancienne flamme sans cesse ravivée…Elena ne s’est d’ailleurs jamais vraiment créé un cercle en-dehors du quartier, à part son propre foyer et sa belle-famille : elle n’a pas d’amis, ne rencontre et fréquente personne, ne pratique pas d’activités – aucune des anciennes amitiés du quartier n’a été remplacée par de nouvelles relations. Et on sent que pour Lila comme pour Elena, leur aspiration – et le moteur de leur rivalité – est encore et toujours d’être la reine de leur quartier.

Vous l’aurez compris, « Celle qui fuit et celle qui reste » est un roman extrêmement riche, que j’ai bien sûr retrouvé comme un vieil ami, et que j’ai dévoré tout en le savourant. Le récit est à la fois graphique – je n’ai aucune difficulté à imaginer les décors, les scènes, les situations – et profond, avec toujours des sentiments complexes et des personnages contrastés. Elena Ferrante m’a entraînée de rebondissements en rebondissement jusqu’à une fin qui ne donne qu’une envie, celle de se précipiter sur le 4e volume! Qui, je le rappelle, n’est pas encore sorti en France…Alors, on fait quoi? On attend 9 ou 12 mois, on lit la traduction en anglais, on se met à l’italien?

Publié en Janvier 2017 chez Gallimard, traduit par Elsa Damien, 480 pages.

3e lecture de la Rentrée Littéraire de Janvier 2017

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14 commentaires sur “Celle qui fuit et celle qui reste – Elena Ferrante

    1. il y a un vrai côté « série »…savoir que dès qu’on a fini ce tome, il faudra attendre l’année suivante pour connaître la suite…
      j’espère que ta tante va le lire vite, pour que tu puisses le récupérer rapidement!

  1. Bon. J’étais plus que mitigée à ma lecture du premier tome mais j’ai quand même acheté le second en poche, histoire de redonner une chance à ces filles. Il parait qu’il est meilleur que le premier, tant mieux 😉

    1. ah tu fais partie des quelques-uns qui n’ont pas trop aimé, alors…
      d’après une copine (Coralie) qui a lu les 4 c’est le meilleur de la tétralogie – disons que dans ce tome 3, vu l’âge des protagonistes, cela ouvre de nombreuses pistes et possibilités, en plus le contexte socio-politique est extrêmement intéressant, ce qui enrichit encore le récit…

  2. Je suis plongée dans ce roman tellement addictif que j’ai lu jusqu’à 04 h du matin…
    Au troisième tome, on connaît bien les personnages et leur complexité ; en partie grâce à l’ écriture fluide, c’est un régal d’entrer à nouveau dans leurs vies ! J’ admire l’énergie de Lila, mais je me demande de quelles vacheries elle est capable …cela me déplaît beaucoup que Nino réapparaisse…Enzo m’intrigue…
    Merci de m’avoir fait découvrir Elena Ferrante (encensée par un autre de mes chouchous : Daniel Pennac ) !

    1. oui, c’était sur le bandeau de « L’amie Prodigieuse » en poche : le livre que Pennac offre à tous ses amis ^^
      ben alors, toujours pas fini, même en lisant jusqu’à 4h du mat??

  3. J’ai adoré les deux premiers tomes et j’attends avec impatience l’arrivée de celui-ci à la bibliothèque (je suis première sur la liste d’attente ouf!). Mais je commence à avoir des craintes concernant le quatrième. Car si celui-ci s’arrête à la trentaine des filles, alors le dernier devrait couvrir une trentaine d’années ???

    1. Je ne sais pas trop, je n’ai aucune info sur le 4e…effectivement, le 3e s’arrête quand les filles ont 30 ans…je pense que le 4 va vraiment couvrir 10/15 ans avec beaucoup de rebondissements, et fera une ellipse après…

    1. oui, tu es entrée sans le savoir dans une spirale infernale 😉 le 2e est également sorti en poche (Le Nouveau Nom). Quant au 4e il n’est pas encore traduit en français

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